Franck Beucher achève son internat en médecine générale en novembre 2012. Le jeune homme de 31 ans obtient à cette date de l'Ordre départemental d'Indre-et-Loire une licence de remplacement pour trois ans.
Pendant cette période, Franck Beucher effectue des remplacements dans trois cabinets médicaux distincts, « mais le plus souvent, Saint-Romain-sur-Cher (Loir-et-Cher), dans une zone sous-dotée », Il y assure des remplacements à la satisfaction de tous, mais néglige de passer sa thèse. « La vie m'a amené à faire d'autres choix, mais je suis conscient que j'aurais dû la soutenir », reconnaît-il.
Depuis novembre 2015, et alors que le cabinet de Saint-Romain-sur-Cher, composé de deux femmes médecins dont l'une approche la soixantaine, aurait bien besoin de ses services, l'Ordre d'Indre-et-Loire refuse de lui accorder une dérogation.
« La réglementation est claire, souligne le Pr Robert Nicodème, président de la section formation et compétences au CNOM. Une fois qu'il a fini son DES, un interne a trois ans pour passer sa thèse. Au-delà, il ne peut plus remplacer. »
« Il est souvent possible pour les non-thésés de continuer à remplacer, à condition que la date de soutenance soit officiellement connue, explique le Dr Jacques Olivier Dauberton, président de REAGJIR, regroupement autonome des généralistes, jeunes installés et remplaçants. Cela dépend du bon vouloir des CDOM. »
Exercice illégal de la médecine
Président de l'Ordre d'Indre-et-Loire et généraliste lui-même, le Dr Philippe Paganelli s'avoue impuissant : « Sa licence est arrivée à échéance, et je ne peux pas faire de dérogation, ça serait assimilable à de l'exercice illégal de la médecine. »
Philippe Paganelli aurait pu être arrangeant en novembre dernier mais il aurait fallu alors que Franck Beucher soit en mesure de lui indiquer le sujet de sa thèse et sa date de soutenance.
Problèmes assurantiels
Des consignes de rigueur en la matière ont été envoyées par le Conseil national aux Ordre départementaux, arguant de problèmes assurantiels qui pourraient découler de ces dérogations en cas d'accident. « Avant, il était possible d'accorder des dérogations, et certains conseils départementaux étaient assez coulants », confie le Dr Jean-Yves Schlienger, membre de l'Ordre de la Marne.
Le responsable ordinal avait proposé que des dérogations puissent être accordées à ces internes en échange d'un courrier du doyen assurant que leur situation allait bientôt se régulariser avec la soutenance de leur thèse. Sans succès.
Cette situation n'arrange pas Franck Beucher. Sans travail et sans revenus depuis novembre dernier, il s'apprête à contracter un emprunt pour faire face aux charges liées à son activité passée (URSSAF, cotisations sociales…). Il a commencé à travailler sur sa thèse (les troubles du langage chez l'enfant), et devrait être informé dans les 10 jours par la faculté de Tours de la date exacte de soutenance. Il espère pouvoir la présenter en octobre.
Une chose est sûre, dès la date connue, il reprendra contact avec l'Ordre d'Indre-et-Loire pour demander une dérogation. Lui sera-t-elle accordée ? « Je ne sais pas, répond prudemment le Dr Paganelli, nous regarderons ça de près. »
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre