La Fédération hospitalière de France (FHF) s'intéresse de près à la convergence entre la ville et l'hôpital. En 2017, le lobby des hôpitaux a missionné deux experts pour abattre les cloisons entre les deux secteurs, même si la médecine de ville est souvent rétive à l'idée que l'hôpital lui donne des leçons d'organisation. Cette délicate mission a été confiée au Dr Jean-Pierre Jardry, adjoint au maire de Cannes et administrateur de la FHF, qui a rendu ses conclusions ce vendredi.
À défaut de PDS obligatoire…
Après une série d'auditions, le généraliste à la retraite a remis 17 préconisations. L'une des plus emblématiques porte sur le principe de la lettre de liaison médicale, officialisée dans la loi de santé pour éviter les ruptures de soins, mais qui peine à se mettre en place. La FHF veut la rendre « obligatoire » de l'hôpital vers les médecins généralistes en aval de la prise en charge (compte rendu d'hospitalisation, imagerie, biologie, etc.) et vice-versa en amont (courrier et éléments de diagnostic). Le numérique peut aider à rapprocher les médecins. La FHF cite la plateforme d'échanges de messages et de documents sécurisée Zepra, utilisée en Rhône-Alpes par 70 hôpitaux et cliniques et 9 000 médecins libéraux.
Autre idée dans l'air du temps : mieux organiser les soins non programmés de médecine générale. Le Dr Jardry suggère de créer au sein des structures d'urgences un « espace dédié » aux généralistes libéraux pour prendre en charge (éventuellement en tiers payant) le non programmé qui ne relève pas des urgences, dont le nombre de passages augmente de 7 % par an. Mais contrairement aux maisons médicales de garde, cette offre tournerait 24 heures sur 24 et sept jours sur sept ! « La réunion des professionnels de ville et hospitaliers pour répondre aux soins non programmés permettrait de conventionner afin d’économiser les ressources (sur le temps médical disponible) en période de nuit profonde », note la FHF qui ne dit pas comment elle entend convaincre les libéraux sur ce sujet délicat des gardes libérales.
Un guichet unique doté d'un professionnel entièrement consacré à la coordination ville-hôpital fluidifierait également les échanges. C'est ce qu'a mis en place l'hôpital de Douai, en créant un service de permanence téléphonique sur les 18 services hospitaliers les plus plébiscités par la ville et les patients.
Les bijoux de famille aux libéraux
« L’hôpital doit se montrer volontaire pour proposer à la ville les moyens dont il dispose pour favoriser la coordination dans le secteur ambulatoire », préconise le Dr Jardry. Comment ? En premier lieu, en investissant dans un système d'information commun. Vieux serpent de mer, l'interopérabilité entre la ville et l'hôpital pose toujours question. À ce titre, la FHF voit dans l'émergence des GHT une opportunité. Elle pousse les établissements à être « proactifs » en mobilisant leurs équipes informatiques, en « construisant les connexions possibles et en co-investissant sur de nouveaux outils » de messageries sécurisés.
Le partage peut également s'illustrer par la mise à disposition de bâtiments hospitaliers pour les maisons et centres de santé. Le patrimoine hospitalier est estimé à 60 milliards d'euros. Les restructurations récentes ont libéré des espaces, écrit la FHF. Autant que cela serve à la coordination ville-hôpital, « sous réserve d’un régime économique et comptable non péjoratif pour les établissements de santé ».
Exercice mixte et formation intégrée aux territoires
Pour rapprocher médecins hospitaliers et libéraux, autant faut-il… qu'il y en ait. C'est la raison pour laquelle la FHF milite pour l'exercice mixte entre la ville et hôpital, modèle dont la souplesse plaît aux jeunes professionnels. « Afin de rendre plus attractif ce mode d’exercice, la FHF souhaite faire évoluer le statut, le mode de rémunération et les perspectives de carrière des médecins ayant fait ce choix », lit-on.
La formation est une piste. La FHF veut créer un parcours de formation à l'échelle territoriale – du second cycle à la phase de mise en responsabilité du troisième cycle. « Les GHT pourraient, en coordination avec l’université, le CHU et les maîtres de stage en ambulatoire, proposer une offre de formation dans l’objectif de la rendre plus lisible, structurée, interprofessionnelle et intégrée aux territoires », suggère le rapport Jardry.
Pas de consultations avancées sans recensement des besoins
Chat échaudé craint l'eau froide : la FHF réitère son intérêt pour les consultations avancées mais y met les formes pour ne pas braquer la ville. La Fédération soutient le développement de consultations hors les murs sur la médecine de spécialité (et non générale) si le projet est précédé « d’un travail de recensement des besoins et d’identification de l’offre préalablement installée ». Ces consultations hospitalières de spécialité peuvent se mettre en place au sein des hôpitaux de proximité, des centres ou des maisons de santé, avec la téléconsultation et la téléexpertise en appui.
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