Trois ans après leur création, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) sont sur de bons rails. Les 736 CPTS déjà recensées sur le territoire national – à un stade d’avancement différent mais avec plus de 300 contrats signés avec la Cnam – révèlent la vitalité des projets dans les territoires.
Preuve de la réactivité des libéraux, 32 communautés ont pris en compte cet été dans leur organisation les protocoles de coopération de soins non programmés étendus ponctuellement aux équipes volontaires sous forme de délégations de tâches (cystites, rhino-conjonctivite allergique saisonnière, traumatisme en torsion de la cheville, douleur lombaire, odynophagie, éruption prurigineuse), impliquant près de 400 professionnels de santé.
Santé mentale : éviter les hospitalisations
Autre initiative, la CPTS Atlantique Nord Loire créée en 2019, couvrant plus de 70 000 habitants, a innové sur le terrain de la santé mentale. Pour prévenir le suicide, fléau qui frappe ce secteur agricole et rural, le collectif de 224 libéraux adhérents a signé dès 2020 un contrat avec l'établissement psychiatrique de Loire Atlantique Nord (Epsylan). Un plan d'action a été élaboré pour prendre en charge rapidement deux populations cibles – les jeunes et les personnes âgées – qui ne vont pas dans les centres médico-psychologiques (CMP). La CPTS finance la formation des blouses blanches sur le suicide. Parallèlement, sur ce territoire déserté par les psychiatres libéraux, le collectif a mis en place une équipe post-urgence composée de quatre infirmiers, un psychiatre, un cadre de santé et un psychologue. « Le généraliste adresse directement le patient à l'équipe, explique le Dr Élias Amiouni, médecin généraliste et président de la CPTS. Pour nous, c'est une bouffée d'oxygène monumentale et cela permet d'éviter les hospitalisations. On appelle et on sait qu'il y a quelqu'un derrière ». Confronté à une situation complexe avec idées suicidaires, les médecins peuvent même solliciter immédiatement l'avis du psychiatre référent d'Epsylan via une télé-expertise. Cette solution fonctionne déjà dans deux maisons de santé et un cabinet libéral.
Face à la perte d'autonomie, une unité mobile
En Occitanie cette fois, la CPTS Pays de Lunel finance l'unité mobile « fragilité » créée par des infirmières libérales installées à Marsillargues (Hérault). Elles se sont formées auprès du gérontopôle de Toulouse au protocole de coopération sur l'intervention d’infirmières libérales à domicile afin de diagnostiquer et initier la prise en charge de la fragilité du sujet âgé. À l'échelle de ce bassin de vie, elles interviennent pour réaliser une évaluation gériatrique standardisée à domicile, une synthèse et un plan de soin personnalisé, documents adressés au médecin traitant et autres soignants du patient. L'objectif est de dépister la fragilité chez les plus de 60 ans ou en ALD pour prévenir la perte d’autonomie (mobilité, mémoire, sensoriel, état nutritionnel et humeur). « Ce dispositif est porté par la CPTS, chaque médecin adhérent signe une convention avec l’unité mobile de fragilité », salue le Dr Cédric Alinat, généraliste membre de la CPTS.
Les pharmacies en renfort
Dans les Bouches du Rhône, la CPTS du pays d'Arles affiche 350 adhérents dont 60 généralistes et 20 spécialistes. Elle a pris le taureau par les cornes pour favoriser l'accès aux médecins traitants, avec une procédure originale. La porte d'entrée se fait par… les pharmacies du territoire qui collectent les demandes des patients sans médecins traitant via un formulaire élaboré par la communauté. Les patients sont classés en fonction du degré de complexité de leur situation (ALD, perte d'autonomie, polypathologies, aide à domicile), grâce à un algorithme développé par le collectif. « Selon le niveau de complexité, les praticiens volontaires acceptent de prendre les nouveaux patients en tant que médecins traitants », explique Corinne Lehmann, directrice de la CPTS. Le pool a déjà reçu une vingtaine de requêtes, qui ont toutes abouti. « On est dans une procédure qualitative avec une vraie analyse des besoins, ajoute la directrice. S'il y a un patient jeune avec une situation simple, sans besoins particuliers de santé, on va le laisser chercher par lui-même son médecin traitant. Notre objectif n'est pas de créer un appel d'air ». Selon la situation, la CPTS rémunère les médecins volontaires à hauteur de 80 à 120 euros par nouveau patient pris.
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