Les spécialistes qui exercent dans les cliniques - chirurgiens et internes en tête - ne désarment pas.
À l’heure où le sénateur UMP Alain Milon, rapporteur du projet de loi HPST, se réjouissait dans nos colonnes du travail de déminage de la commission des affaires sociales, à propos notamment des amendements « Préel » et « Bur » adoptés en première lecture (Quotidien du 4 mai), les représentants des médecins exerçant dans les cliniques affichaient de leur côté une méfiance absolue, guère rassurés par la nouvelle mouture du texte. De quoi s’agit-il ?
Certes, comme Roselyne Bachelot l’avait demandé, la commission des affaires sociales du Sénat a supprimé l’amendement dit « Préel », c’est-à-dire la disposition qui permettait au directeur de l’ARS d'assujettir une clinique à garantir pour certaines spécialités une « proportion minimale d'actes facturés sans dépassement d'honoraires ». La CSMF, les chirurgiens de l’UCDF ou encore les internes avaient dénoncé la « mort » du secteur II dans les cliniques. Le retrait de cette mesure ne peut que les satisfaire. En revanche, en début de semaine, la Haute Assemblée n’avait pas éliminé (modifié seulement) l’amendement « Bur », également explosif, permettant dans le cadre d’un engagement dans des missions de service public une rupture des contrats d’exercice (médecins/cliniques) sans indemnisation financière. Or, la nouvelle version du texte est jugée par les libéraux concernés particulièrement alambiquée et donc potentiellement dangereuse. Elle stipule qu’en cas de refus du médecin de procéder à la révision de son contrat d’exercice avec sa clinique ayant une mission de service public, il peut prétendre à des indemnités en cas de résiliation du contrat par l'établissement « dès lors que la durée d'activité consacrée aux missions de service public proposée par le contrat révisé excède 30 % de son temps travaillé ». Selon plusieurs sénateurs, le dispositif sur les contrats d’exercice a donc été réaménagé afin de limiter à 30 % de son temps de travail la durée qui peut être imposée à un praticien pour exercer des missions de service public à un tarif opposable. La menace d’un encadrement accru des honoraires dans les cliniques et de la perte de certaines garanties contractuelles des médecins n’a donc pas disparu, ont analysé la plupart des syndicats de spécialistes. Plusieurs d’entre eux mettent ouvertement en cause le « lobbying » de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) dans cette affaire.
Menace de grève.
L’Union des chirurgiens de France (UCDF) se dit « consternée » par une formulation qui « ne règle rien ». « Les sénateurs ont fait un amalgame entre le temps passé pour des missions de service public, qui peuvent être variées - urgences, PDS… -, et un pourcentage minimum obligatoire d’activité en tarifs opposables », analyse le Dr Philippe Cuq, président de l’UCDF. Or, pour ce syndicat, « après 30 ans de stagnation », le tarif opposable des actes chirurgicaux « ne peut plus servir de référence en chirurgie programmée et encore moins en chirurgie d’urgence ». Sur ces bases, l’UCDF poursuit son appel à la mobilisation des chirurgiens en exercice et en formationen vue d’un « arrêt coordonné illimité et intergénérationnel de toutes leurs activités à compter du 1er juin 2009 ». « Le cabinet de Roselyne Bachelot admet que le dispositif en l’état n’est pas applicable ! » affirme le Dr Cuq.
Même vigilance et même détermination chez les internes qui ont convoqué une assemblée générale le 16 mai. « Aujourd’hui, nous ne sommes pas satisfaits mais la discussion continue, résume Benoît Elleboode, président de l’ISNIH. Nous demandons la suppression intégrale des dispositions dangereuses pour notre exercice libéral et notre indépendance, sinon nous prendrons nos responsabilités ».
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