Le Pr Guy Vallancien n'est pas seulement un chirurgien urologue réputé. L'auteur de « la médecine sans médecin ? Le numérique au service des malades »* est également un expert en démographie médicale.
Dans une lettre ouverte aux parlementaires parue mardi 8 mars sur le site Contrepoints, l'enseignant corrige sévèrement députés et sénateurs pour leur absence de résultats dans la lutte contre la désertification médicale. « Les innombrables lois que vous avez votées, année après année, n’ont guère favorisé l’installation en médecine libérale, tant s’en faut ! [...] Vous vous appuyez sur un schéma passéiste, débordé par trois innovations, la télémédecine, le transfert de tâches, le transport héliporté et une évolution sociodémographique des carabins. »
« Aucun résultat »
L'ancien chargé de mission pour le ministère de la Santé n'est pas tendre avec les parlementaires dont il juge inutile l'action sur le terrain. « Aucune des solutions que vous avez envisagées, hormis celle de créer des postes de médecins salariés à quatre mille euros mensuels,[...] n’a permis de régler la question. Ni la construction d’un cabinet médical, ni la gratuité du loyer, ni la voiture de fonction, ou d’autres aides en tous genres n’ont réussi à attirer les jeunes médecins pour combler le vide médical dans ces zones sinistrées. »
Inutile de rêver, enchérit le chirurgien, les futurs médecins (le plus souvent des femmes) ne s'installeront pas avec leur conjoint « dans un village de mille habitants et ne travaillera plus soixante heures par semaine ». Et pas la peine de vouloir adopter des mesures de régulation démographique, comme l'ont encore réclamé ces dernières semaines plusieurs élus et maires de petites villes. « Limiter leur installation en limitant les conventionnements dans les zones surmédicalisées ne fera qu’augmenter le nombre de médecins qui s’affranchiront des négociations tarifaires », assure l'urologue.
Le chirurgien prescrit trois solutions et un peu de courage
Dans sa lettre ouverte, le Pr Vallancien explique comment résoudre rapidement le problème des déserts médicaux grâce à trois solutions.
Il croit tout d'abord dans la télémédecine et encourage les pouvoirs publics à mettre en place le haut débit sur la totalité du territoire national. Le chirurgien demande à l'assurance-maladie de financer la téléconsultation. « Le vrai problème concerne le paiement des actes télétransmis : tant que ces actes ne sont pas honorés, aucun développement ne sera possible. »
Le Pr Vallancien réclame un meilleur partage des tâches entre médecins et infirmiers –c'est son credo depuis plusieurs années. « En utilisant les compétences déjà reconnues pour les infirmiers, et en créant des mastères d’un ou deux ans selon la demande sanitaire, on pourra couvrir le pays d’un tissu de professionnels capables de répondre à la désertification », assène-t-il.
Après le bus, l'hélico
Enfin, selon le chirurgien, la France doit mieux organiser son recours aux transports par hélicoptère. « La mutualisation de moyens héliportés entre le SAMU, les pompiers, la gendarmerie, les trois armées, la sécurité civile, le parc d’engins de transport aérien est grand et sous utilisé ». Le Pr Vallancien estime que le patient pourrait être transporté depuis le lieu de l'accident « en quelques minutes vers le bon hôpital, au lieu de maintenir de petits services de chirurgie à trop faible débit opératoire pour assurer des prestations de qualité » : « Une heure d’hélicoptère à deux mille euros est plus efficace et moins coûteuse que l’entretien d’un bloc opératoire quasi vide à l’année. »
La désertification médicale n'est donc pas une fatalité. « Nous possédons tous les moyens d’offrir aux Français une couverture sanitaire de qualité en un temps record, conclut le chirurgien, qui invite les parlementaires à « sortir des clichés usés » et à faire preuve « de courage politique » pour mettre en place ses propositions. « En à peine deux ans les déserts médicaux, pourraient être résorbés », assène-t-il.
En 2009, le Pr Vallancien avait défendu les cabinets mobiles pour assurer une présence médicale en zones rurales. Le dispositif avait été expérimenté dans l'Oise. Mais qualifié de « médecine de foire » par l'Ordre, le bus santé avait rapidement dû rentrer au garage.
* paru aux éditions Gallimard en 2015.
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre