Le généraliste n'est pas reconnu et valorisé à la hauteur du rôle qu'il est censé jouer dans la prise en charge des pathologies chroniques, souligne un rapport de l'Académie de médecine rédigé par les Prs Claude Jaffiol, Pierre Godeau et Bernard Grosbois.
Alors que les pathologies chroniques affectent en France 15 millions de personnes (dont 9 millions en ALD), pour un coût de 65 milliards d'euros par an, ce document de quinze pages milite pour une « révolution thérapeutique » fondée sur le rôle pilote du généraliste, les pratiques pluriprofessionnelles, une refonte des études médicales davantage ouvertes aux sciences humaines et une nouvelle éducation thérapeutique du patient.
Une autre culture médicale doit émerger
Le rapport fait le constat que le médecin traitant rencontre de nombreux obstacles dans son rôle de coordonnateur, à l'origine de retards diagnostiques et de difficultés à toutes les étapes du parcours de soins des patients chroniques.
Afin de forger une nouvelle culture médicale et humaniste, l'Académie estime qu'il est urgent de repenser la formation des carabins (trop hospitalocentrée et attachée aux soins aigus) en augmentant l'enseignement des sciences humaines, en intégrant la dimension psychosociale et économique des pathologies chroniques, leur prévention et la relation médecin-malade dès le second cycle des études. Elle recommande de porter l'internat de médecine générale à quatre ans avec des stages en dehors de l'hôpital et auprès des populations précaires. L'apprentissage devrait donner aussi davantage de place à la santé connectée.
Réorganiser la pratique médicale
Autre volet prioritaire : l'aggiornamento des conditions d'exercice. Pour réduire le sentiment d'isolement dans le choix thérapeutique initial, l'Académie souligne l'importance de resserrer les liens entre généralistes et spécialistes libéraux et, au-delà, de développer les réseaux interdisciplinaires incluant les professions paramédicales, les pharmaciens et les associations de patients. Le généraliste « jouera un rôle essentiel pour assurer un choix équilibré entre les multiples prescriptions spécialisées qui s'ignorent au risque de créer de fâcheuses interférences », peut-on lire.
Le suivi thérapeutique au long cours des patients chroniques est un autre défi avec deux principaux écueils : la non-observance et les erreurs ou retards dans l'adaptation thérapeutique (prescriptions, examens, recommandations…). Alors qu'on considère qu'un patient est observant s'il prend 80 % de son traitement, les taux oscillent entre 40 et 70 % dans l'HTA, 60 % dans le diabète de type 2 et 50 % dans l'hypercholestérolémie. La non-observance serait responsable de 8 000 décès par an et de coûts évitables estimés à 9 milliards d'euros par an.
Or, pour l'Académie, « le médecin généraliste associé au réseau pluridisciplinaire est la clé d'une meilleure observance (...). Chez les patients polypathologiques, le rôle du médecin généraliste est essentiel dans la coordination des prescriptions faites par différents spécialistes », insistent les auteurs.
Sur ces bases, le rapport juge que l'exercice médical en solo « n'est plus en phase » avec l'épidémie des pathologies chroniques. L'Académie défend sans surprise la création de maisons, pôles ou centres de santé – en suggérant d'accompagner, via les agences régionales de santé (ARS), ces nouveaux d'exercice (formation, aides techniques et au secrétariat, incitations financières).
Au chapitre des honoraires, l'Académie défend la diversification des modes de rémunération et salue les bons résultats de la ROSP qui « pourrait être étendue à d'autres pathologies ». La télémédecine devrait être intégrée au parcours de soins et inscrite dans la nomenclature pour le suivi des pathologies au long cours. Il convient surtout de valoriser les consultations et les actes de longue durée.
Doper l'éducation thérapeutique
Last but not least, l'Académie souhaiterait que l'éducation thérapeutique du patient (ETP, permettant de responsabiliser et d'autonomiser le malade) soit beaucoup mieux intégrée dans la pratique des médecins de premier recours, ce qui suppose de leur en donner les moyens par le biais, là encore, d'une rémunération spécifique. « Le généraliste ne peut pas pratiquer seul de vraies séances d'ETP qui demandent de longs échanges personnalisés avec le patient », lit-on. Le manque de temps et le paiement à l'acte quasi-exclusif sont ici les principaux freins. Les auteurs appellent de leurs vœux « une ETP de proximité » où le médecin jouerait un rôle de prescripteur et de coordonnateur d'une équipe pluriprofessionnelle.
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