L'appel à déconventionnement de l’UFML-S vient de dépasser la barre symbolique des 2 000 promesses de signatures et les secondes assises du syndicat sur le sujet se tiennent le 10 juin prochain à Lyon, après une première édition à Paris en mars dernier. Dans le contexte de ce mouvement qui prend de l'ampleur, « Le Quotidien » a interrogé le Dr Dominique Plat, une nouvelle recrue du syndicat. Ce quinqua, médecin du sport ostéopathe en solo dans la périphérie de Lyon, exerce hors convention depuis plus de vingt ans. « Tout se passe très bien », affirme-t-il.
LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Dès votre installation, vous avez fait le choix peu courant d’exercer en dehors du champ conventionnel. Pourquoi ?
Dr DOMINIQUE PLAT : Au début j’étais médecin généraliste remplaçant et je me suis installé hors secteur conventionnel par la force des choses puisque l’État avait fermé l’accès au secteur 2. Il n’était ouvert qu’aux chefs de clinique et aux assistants chefs de clinique avec deux ans d’exercice. Ce n’était pas mon cas, j’étais généraliste de formation et j’allais m’installer comme médecin du sport ostéopathe. À l’époque, je n’avais donc le choix qu’entre le secteur 1 et le « hors convention ». Après beaucoup de réflexion, j’ai finalement opté pour ce dernier. Mes consultations durent 40 minutes en moyenne et à 20 euros le C à l’époque, le système conventionnel n’était pas financièrement intéressant.
Étiez-vous inquiet par ce saut dans l’inconnu ?
À l’époque, quand je me suis installé, j’avoue que je n’étais pas vraiment rasséréné. Pendant plusieurs mois, j’ai dû expliquer aux patients comment ça se passait, le tarif des consultations, leur remboursement… Et puis, les années passant, j'ai trouvé un équilibre, d'autant qu'il y a eu un effet dont j’ai bénéficié, c’est que les mutuelles ont petit à petit, dans leur panel de produits et services à leurs clients, inclus la prise en charge de l’ostéopathie. J’ai arrêté de faire des feuilles de soins et j’ai fait des factures et des notes d’honoraires. Et tout se passe très bien.
Quel message donnez-vous à vos confrères qui hésitent à se déconventionner ?
Il y a deux aspects à cette question. Il y a l’aspect purement « business », parce qu’un médecin n’est jamais qu’une petite entreprise. C’est une façon d’aborder la question qui peut paraître inhabituelle, voire honteuse, surtout en France, mais c’est une réalité. Si le médecin est dans une zone tendue sur le plan médical, avec peu de confrères dans les alentours, une population qui est en perdition de médecins, le risque est nul. Et quand bien même un praticien exercerait dans une zone bien pourvue en médecins, il n’est pas exclu, là non plus, que ce ne soit pas une mauvaise affaire.
Le deuxième aspect, c’est l’aspect métier, qui pour moi est l’aspect majeur. Le déconventionnement, il ne faut pas le faire pour l’argent ! En revanche, sur le plan professionnel, ça change tout, c’est un autre monde, que la très grande majorité des confrères avec qui j’en discute depuis six semaines ne connaissent pas. Ils sont hypercompétents dans leur métier mais ne réalisent pas dans quel aquarium on les a enfermés sur le plan social, fiscal et administratif. Ils ne savent même pas ce qu’il y a en dehors du bocal.
Cet autre monde, à quoi ressemble-t-il en vrai ?
Par exemple, en 20 ans, je n’ai jamais eu de contact avec un médecin-conseil. Mon relevé SNIR, je ne le transmets même pas à mon comptable. Quand je la reçois, l’enveloppe passe directement de la boîte aux lettres à la poubelle. Beaucoup de mes confrères conventionnés, eux, sont absolument terrorisés à l’arrivée du document. À quelle sauce vais-je être mangé, que va-t-on me reprocher, ai-je trop prescrit ?
Quand je prescris une radio ou un arrêt maladie, je n’ai que l’intérêt de mon patient en tête et pas de compte à rendre. J’ai un tarif de consultation qui est à 70 euros et qui va passer à 75 à l’été, soit trois fois le tarif conventionnel. Je travaille quatre jours sur cinq et vois entre dix et douze patients par jour.
Le déconventionnement, c’est un changement total de paradigme. La relation médecin-patient qui est censée être une relation bipartite a évolué ces dernières années en une relation désormais tripartite, le médecin, le patient, et au-dessus, l’Assurance-maladie qui observe ce qui se passe. Moi, qui suis hors convention, je ne suis pas concerné. C’est un confort de travail et intellectuel inestimable. Je suis d’ailleurs convaincu que ce mouvement de déconventionnement initié par l’UFML est certainement la dernière chance pour nous médecins, de préserver la liberté de notre exercice.
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