Le combat local du sénateur Fichet pour préserver l’offre de soins

Publié le 07/02/2013
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QUAND L’HÔPITAL de Lanmeur (Finistère) a proposé au sénateur maire d’installer la maison de santé pluridisciplinaire dans l’ancienne maternité, l’élu a trouvé le bâtiment...immense. À quelques jours de son ouverture prévue vers la mi-février, l’imposante bâtisse (800 m2 sur trois niveaux) affiche complet ! Le socialiste Jean-Luc Fichet goûte aujourd’hui le succès d’une opération initiée il y a 15 ans pour maintenir une offre de santé sur son territoire.

Médecins vieillissants.

« Jusqu’à très peu de temps, les élus considéraient que la santé, c’était l’affaire des médecins ! », rappelle l’édile, devenu ces derniers mois président du groupe de travail sénatorial sur les déserts médicaux.

Il y a quinze ans, il s’est lui-même saisi de la problématique des déserts à l’échelon local. « À Lanmeur, nous n’avions plus de dentiste, raconte Jean-Luc Fichet. Je me suis demandé comment en attirer de nouveaux. J’ai constaté que les médecins se faisaient vieillissants, trouvaient difficilement des remplaçants. Notre hôpital local était menacé de fermeture. Il fallait effectuer des travaux pour le mettre aux normes de sécurité. On nous incitait à nous rapprocher du centre hospitalier de Morlaix, qui avait déjà rapatrié en son sein plusieurs établissements locaux. Moi, j’ai dit non ! »

Le maire de Lanmeur pressent alors que cette démarche de rapprochement aboutirait à l’assèchement de l’hôpital local. « Les services généraux, la pharmacie, le suivi psychologique, la médecine… Tout serait parti à Morlaix. Résultat : l’activité aurait été réduite à peau de chagrin. Et, le vaisseau amiral, que représente le pool de médecins généralistes, aurait disparu ».

Vaincre les réticences.

Quinze ans plus tard, le pari semble gagné. L’avenir dira si l’offre de soins maintenue localement à bout de bras perdurera, particulièrement les médecins libéraux. Dans le schéma précurseur imaginé dès 1998 par l’élu PS, une maison de santé pluridisciplinaire (MSP) trouvait naturellement sa place. Mais les médecins, réunis par le maire, étaient « assez réticents », se souvient-il. « Nos cinq médecins étaient d’accord pour participer au maintien de l’offre locale, mais ils étaient déjà en cabinet. Quelle plus-value la maison de santé allait-elle leur apporter ? », souligne Jean-Luc Fichet.

Le projet de MSP chemine néanmoins. Des professionnels libéraux manifestent leur intérêt. Une podologue se dit prête à s’installer dans le futur pôle. Un cabinet dentaire arrive dans la commune. Un bâtiment contigu à l’ancienne maternité en plein bourg est même construit pour l’accueillir.

De son côté, l’hôpital local bénéficie d’un soutien financier, permettant de lancer la rénovation de l’établissement ; 22 millions d’euros sont investis dans la construction d’un nouvel ensemble qui compte 320 lits. « Nous avons sur le site 300 personnes très âgées et très malades, explique Françoise Le Bot, la directrice. Notre philosophie est de continuer à faire intervenir le médecin traitant pour maintenir le lien hôpital/domicile, essentiel dans la prise en charge d’une population qui effectue beaucoup d’allers et retours. Le fait d’avoir, au sein de cette maison de santé, des diététiciens, des kinés et des médecins fluidifiera le parcours de soins. »

Le poids des élus.

Pour le Dr Jean-Yves Le Reste, médecin installé depuis 18 ans dans cette « campagne au bord de la mer » (comme l’affirme le slogan municipal), le fait d’avoir conçu ce projet de maison de santé il y a quinze ans a permis d’anticiper les difficultés. Une stratégie aujourd’hui payante. « Pour nous, la plus-value de cette maison de santé, c’est le resserrement du lien avec les autres professionnels, mais aussi la recherche clinique pour améliorer les protocoles de soins, grâce au jugement du patient », précise le Dr Le Reste. Tout a été fait pour faciliter l’exercice pluriprofessionnel : informatique partagée pour les 24 soignants de la maison de santé, messagerie interne, staff pluridisciplinaire, archivage, sessions de formation communes...

Pour le monsieur déserts médicaux du Sénat, la démarche active de Lanmeur montre que les élus ont un rôle central à jouer en matière de démographie médicale. Mais le débat entre incitation et coercition n’est pas tranché. Auditionnant récemment la ministre de la Santé, Jean-Luc Fichet a attiré son attention sur l’intérêt, dans certaines situations, de dispositions autoritaires. « La régulation par le conventionnement pourrait être une mesure efficace », a-t-il estimé. Une manière claire de dire que le maintien des hôpitaux de proximité et la création de MSP ne répondent pas à toutes les situations.

 OLIVIER QUARANTE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9216