La mainmise de grands groupes financiers sur certains secteurs de la santé inquiète jusqu'aux sphères académiciennes. Dans une récente publication, l'Académie de médecine s'alarme des « propositions massives d'acquisition » par des fonds d'investissement dont font l'objet les radiologues libéraux avec leurs plateaux techniques d’imagerie médicale, et dresse le parallèle avec les cliniques privées, les Ehpad et les laboratoires de biologie médicale concernés par le phénomène depuis plusieurs années.
Encore récemment, la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) indiquait voir « d'un mauvais œil » ce phénomène, bien qu'il ne concerne « pas plus de 10 % de la spécialité » à ce jour. « Appuyées sur l’effondrement de la démographie des radiologues, ces offres financières attractives masquent mal plusieurs risques pour les professionnels et les patients », estime l'Académie.
Selon elle, le premier risque tient « à l’absence de transparence du montage de nombre de sociétés d’exercice libéral (SEL) qui se portent acquéreur des plateformes professionnelles ». Conséquence, les investisseurs « n’apparaissent pas » dans le capital de ces sociétés auxquelles les professionnels se lient ensuite par contrat, perdant au passage « la maîtrise de la gouvernance et de la gestion et le contrôle des droits financiers ». D'autant que, si les conseils départementaux de l’Ordre des médecins (CDOM) donnent leur avis sur les statuts des sociétés, ils ne le font pas sur ces contrats « connexes et complexes ». Or, par un mécanisme d’emboîtement de structures, ces contrats et pactes d’associés lient les professionnels à des filiales ou holdings.
Obligations
Ces contrats d’exercice, souvent imposés entre les médecins et les sociétés, assujettissent les praticiens « à un arsenal de clauses sur les modalités d’exercice, à des limitations ou obligations ». Les académiciens citent notamment l'itinérance sur des sites distincts, une durée obligatoire d’exercice pour percevoir le solde du prix de cession, des gardes et astreintes imposées, des sanctions si des objectifs quantifiés ne sont pas atteints.
Surtout, ils menacent à la fois l'indépendance des professionnels et l'intérêt des patients, estime l'Académie. Ces contrats « induisent une déréglementation professionnelle avec des risques avérés de perte d’autonomie décisionnelle et d’orientation de l’activité ». « Pour gagner de l'argent et augmenter la rentabilité, on demande de diminuer les examens peu rentables, comme les radios du poumon, et de multiplier les plus rémunérateurs », expliquait récemment le Dr Jean-Philippe Masson, interrogé sur le sujet par le « Quotidien ». Il déplorait une « mise à mal » des efforts accomplis par la profession sur la pertinence des actes.
Réviser les autorisations
Face à ces menaces, l'institution de la rue Bonaparte incite l'Ordre des médecins à alerter les conseils départementaux sur les risques « éthiques et déontologiques » des contrats imposés aux praticiens associés des SEL. Elle demande par ailleurs un encadrement des contrats d’exclusivité des praticiens dans les cliniques privées pour « prévenir les dérives liées aux clauses abusives d’exercice ».
Elle recommande aussi de remplacer la procédure actuelle d’autorisation d’équipements lourds par une autorisation d’activité de soins en imagerie (à l’instar de la médecine nucléaire), qui permettrait « d'évaluer et de préserver la qualité des conditions de l’exercice des radiologues » et celle de l’exécution et du rendu des examens. Enfin, elle appelle à clarifier la question de la propriété des données massives d’imagerie de patients dans le cadre de la téléradiologie et qui « échappent à tout contrôle ».
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