Accueil d’internes, primes à l’installation

La recette corse pour séduire les jeunes généralistes

Publié le 21/02/2013
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Crédit photo : AFP

DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, la Corse tente de combattre la désertification médicale. En 2005, l’université de Corte ouvrait sa première année de médecine. Dans quelques mois, les généralistes issus des premières promotions de la faculté corse vont découvrir l’exercice. Les premiers résultats sont là : quatre installations fermes sur l’île ont été validées (dont 3 issus du PCEM1 de Corte) et trois autres sont en attente. La première installation en zone rurale déficitaire est programmée en mai 2013 à Ponte-Leccia.

Ancien président de l’Union régionale des médecins libéraux (URML) Corse, le Dr Frédéric Leccia, professeur associé à l’université de Corse et coordonnateur du département de médecine générale de l’île, mesure le chemin parcouru : « Il y a quelques années, je faisais des visites dans des zones éloignées pour dépanner des patients. »

Avec une densité moyenne de 289 médecins en activité régulière pour 100 000 habitants, la Corse occupe le 9e rang des régions les mieux dotées, selon l’Ordre des médecins. L’Ile-de-Beauté compte 305 000 habitants et de nombreux bassins de vie ruraux dans lesquels vivent moins de 30 000 personnes. « Mais les médecins sont essentiellement concentrés à Ajaccio et à Bastia », explique le Dr Frédéric Leccia.

Cours délocalisés, subventions...

Pour changer la donne, le généraliste a lancé en 2007 un projet articulé autour du développement de la médecine générale en partenariat avec les facultés de médecine de Nice, de Marseille et l’université de Corse. Son idée : fonder un partenariat entre les généralistes maîtres de stage et les internes afin de favoriser l’installation et l’implantation des jeunes généralistes sur l’île.

La formation de maîtres de stage a été intensifiée et le nombre de praticiens accueillant des internes a bondi, passant de 6 en 2007 à 20 l’an dernier. Agréés par les UFR de Nice et Marseille, ils peuvent recevoir des internes issus des deux facultés. Les internes eux aussi sont venus plus nombreux en formation : 82 ont réalisé leurs stages de médecine générale en Corse depuis la mise en place de ce projet en 2007.

Les internes de Nice et Marseille disposent d’une subvention de 2 300 euros par semestre pour financer le transport et le logement pendant le stage en Corse.

Autre astuce : des cours de Nice et Marseille sont délocalisés en Corse pour éviter des déplacements aux internes. Depuis 2010, la collectivité territoriale de Corse a rejoint le partenariat et contribue au financement de primes de 10 000 euros versées aux jeunes médecins qui s’installent en zone rurale.

Conséquence de cette organisation, le regard des internes sur la formation dans l’Ile-de-Beauté a changé.

« Avant, lors des choix des internes, les stages les plus éloignés dont la Corse étaient les moins choisis, ce n’est plus le cas, commente le Pr Simon Filippi, coordonnateur du département de médecine générale à Marseille. Les cours décentralisés ont permis de rompre l’isolement des internes ».

Le retour des enfants du pays.

La Corse fait tout pour conserver ensuite les internes formés sur l’île. Et les jeunes sont séduits par cet accompagnement. C’est le cas de Sonia Vincensini, 25 ans, une des pionnières du PCEM1 à Corte.

« J’avais l’idée de revenir sur l’île », explique la jeune femme, partie à Marseille, après plusieurs stages d’internat en Corse. Sonia a signé un contrat avec la collectivité territoriale de Corse. Dans un peu moins de deux ans, elle s’installera dans une zone sous dense. Elle hésite entre Cauro, où exerce déjà son père généraliste, Levie ou Ghisonaccia.

Un des quatre autres médecins qui s’est engagé à s’installer dans l’île se nomme Tara Pankevich. À 48 ans, Tara n’est pas un enfant du pays. Cet ancien légionnaire ukrainien a eu plusieurs vies. Il a assumé les fonctions d’aide-soignant et d’infirmier. Après des études de médecine à Marseille et à Nice, le généraliste a réalisé un stage en Corse. « J’ai commencé à avoir envie de rester sur l’île », confie le Dr Pankevich. Lui aussi a signé un contrat avec la collectivité territoriale. En mai 2013, il s’installera à Ponte-Leccia, un territoire rural à côté de Corte. Le médecin est désormais très attaché à l’île.

Le succès de l’initiative corse est observé avec intérêt au niveau national. « Former des médecins directement sur les territoires donne envie aux jeunes de s’y installer, analyse le Dr Matthieu Calafiore, président du Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG). Ce qui a été réalisé en Corse est emblématique. Je suis persuadé qu’en promouvant la médecine générale par la maîtrise de stage, on obtiendra d’aussi bons résultats dans certains déserts médicaux. »

 CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 9220