« Relâche tes jambes. Tiens-toi bien en arrière. » Les conseils du moniteur de descente en rappel semblent frappés au coin du bon sens…
Pas évident, cependant, quand on n’a jamais enfilé un baudrier de sa vie, de tourner le dos au vide et de laisser sa vie ne tenir qu’à une corde et trois mousquetons. Abruptes à l’extrême, les falaises des gorges du Tarn ne laissent pourtant guère le choix aux internes de la faculté de médecine de Montpellier, que de se laisser choir et balancer le long de la paroi dominant la rivière lozérienne.
60 % de médecins de plus de 55 ans
De retour aux canoës abandonnés sur la grève deux heures plus tôt, les futurs médecins se remémorent les épisodes de ce week-end de juin dont ils ont pu profiter grâce au conseil général de la Lozère.
Département le moins densément peuplé de France métropolitaine (15 habitants par km²), la Lozère manque de médecins généralistes. « 60 % de nos médecins ont plus de 55 ans, explique Valérie Cogoluegnes, chargée de la surveillance de la démographie médicale au sein du conseil général. 58 médecins généralistes libéraux exercent dans le département. Il en faudrait six ou sept de plus. »
L’invitation inédite à participer à ce week-end « sport, nature et gastronomie » complète une large palette déjà très large de dispositifs d’incitation. Depuis quelques années, ce département rural a mis en place des primes de stages et autres bourses à l’installation (à l’instar de l’Allier) afin d’inciter les jeunes docteurs à exercer au cœur d’une France méconnue, coincée entre les volcans d’Auvergne et la Méditerranée. « Avant de venir dans la région, je ne savais même pas que la Lozère existait », avoue Élodie, une Lyonnaise, qui fait son stage chez un médecin généraliste de Narbonne (Aude).
Ces primes ne sont d’ailleurs pas les seules incitations. Pour permettre le remplacement des médecins libéraux le week-end, l’agence régionale de santé (ARS) verse 1 200 euros aux internes volontaires. À cette somme s’ajoutent les indemnités d’astreinte, et une association départementale de médecins s’occupe de loger les étudiants. Insuffisant, pourtant, à cette heure. Depuis quelques mois, le dispositif a même été agrémenté grâce à l’esprit d’initiative d’une interne. Samia Mennal (8e année) a proposé au conseil général que les internes s’engagent pour huit week-ends de remplacement sur une période de deux ans en échange d’une prime supplémentaire de 150 euros par week-end. Un dispositif habilement présenté à la faveur de cette escapade.
Médecin de campagne et parfaitement heureux
Devant l’aligot-saucisse, spécialité du cru, et une petite salade tomate-roquefort, les carabins s’avouent pour la plupart séduits par ce qui, pour beaucoup, était d’abord un week-end de détente. « Qu’on ne s’y trompe pas, le but, c’est bien que certains d’entre eux viennent s’installer chez nous », insiste cependant le président du conseil général de la Lozère, Jean-Paul Pourquier (UMP).
À l’heure de l’apéritif, le Dr Bernard Brangier, seul généraliste de Saint-Alban-sur-Limagnole, se veut lucide : « Je sais très bien qu’aucun d’entre vous ne fera le métier tel que je le fais aujourd’hui (seul en cabinet, à ne pas compter les heures, NDLR). Mais en devenant médecin de campagne, vous éprouverez du plaisir. J’exerce depuis 1970 et je suis toujours parfaitement heureux ! », témoigne ce médecin de 62 ans, diplômé de la faculté de Marseille.
De retour à Montpellier, et en dépit de ces réjouissances, les médecins en formation restent honnêtes et prudents sur leur volonté d’installation en Lozère. Plusieurs d’entre eux ont en revanche été séduits par l’engagement pour huit remplacements sur deux ans, avec bonus financier. Un premier pas ?
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