Selon les saisons, les Cévennes changent de visage, les médecins de conditions d’exercice. Radicalement. Dans les vallées se nichent une multitude de hameaux, la plupart établis au plus profond des Gorges du Tarn et de la Jonte, rivières prises d’assault en été par kayakistes et campeurs. En hiver, les routes départementales, nerveuses, contraignent les médecins à peser le pour et le contre de chaque visite. Qu’ils effectuent pourtant sans rechigner. Cela fait partie de leur 12 heures de travail quotidien.
Tenir le coup.
Dans les Cévennes, on ne se plaint guère. On fait ce qu’on a à faire. Depuis 39 ans, le Dr Jacques Seewagen exerce à Meyrueis, village qui passe de 900 habitants à 5 000 en été. Deux autres généralistes sont installés. « Tous les trois sont en âge de la retraite, mais ils tiennent le coup », commente le Dr Paul Meissonnier, président de l’Ordre départemental, impressionné par la « volonté » des médecins cévenols. La retraite? Quelle drôle d’idée, semble penser le Dr Seewagen, par ailleurs président de la cellule locale de MG France. Le généraliste n’a pour l’instant « pas envisagé ce scénario ». Il n’aime pas le mot « désertification », « qui fait peur aux élus et à la population ». Les urgences de Mende sont à une heure de route ? Le médecin « trouve ça quand même bien ». Et les discours de Marisol Touraine sur la nécessité de garantir l’accès aux soins d’urgence en moins de trente minutes l’ont « bien fait rire ».
Isolement.
À 60 kms, un causse et 1 H 30 de route, les habitants du Pont-de-Montvert partagent le pragmatisme du Dr Seewagen. « Au moins on a un médecin, même si ce n’est que trois jours dans la semaine », commente-t-on à l’office du tourisme. Le Dr Philippe Leroy, dont le cabinet principal se situe à 40 minutes, a bonne presse. Mais en été, le canton passe de 1 700 à 5 000 habitants. Pour le maire, Alain Jaffard, le problème est insoluble : aucun généraliste ne viendra jamais s’installer à temps plein sur ses terres. « Il y a peut-être du travail pour un médecin qui accepterait les contraintes du Pont [isolement, distances], mais pas assez pour deux qui travailleraient en groupe ».
Malgré l’implication des médecins et des élus, le processus de désertification cévenole semble inéluctable.
L’ARS considère la majeure partie de la région comme « zone fragile ». À Meyrueis, la nouvelle MSP, ouverte en décembre 2012, n’accueille aucun nouveau médecin. Celle de Florac (2 000 habitants l’hiver, 15 000 en août), dont la construction commence en septembre, aura-t-elle le même destin? Fin juin, le Dr Guy Rouvière part en retraite. « Pauvre comme Job » à son installation en 1975, le médecin a depuis « bien gagné sa vie »: 35 à 40 patients par jour avec « des plâtres, des radios et des accouchements », des consultations à l’hôpital local, en maison d’accueil spécialisée (MAS) pour adultes handicapés, sans compter les expertises judiciaires… Sa patientèle? « je la donne! ». Il n’a pour l’instant trouvé aucun remplaçant. Après son départ, un seul généraliste libéral subsistera.
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