DANS LE DÉBAT qui agite les députés sur le choix des mesures publiques permettant d’améliorer la répartition des médecins sur le territoire, la question centrale est celle du juste dosage entre incitation et contrainte. Comment être efficace, à court et moyen terme, pour combattre la désertification sans décourager la profession de l’exercice libéral, et notamment les jeunes générations ?
Plusieurs dispositions ont été récemment instituées en France pour tenter de corriger les déséquilibres de la démographie qui conduisent 2,6 millions de Français à rencontrer des difficultés à trouver un médecin : dès les études, plusieurs conseils régionaux ou généraux - Picardie, Manche, Loiret, Allier, Indre, Saône et Loire, Cher… - ont testé l’octroi de bourses en contrepartie de l’installation dans une zone sous-médicalisée de la région de formation pour une période de service déterminée à l’avance, le plus souvent cinq ans ; au moment de l’installation, divers mécanismes d’aides financières directes ou fiscales ont été imaginés ; au cours de l’exercice enfin, l’assurance-maladie a instauré des majorations de rémunération ciblées comme le « bonus » de 20 % pour les généralistes dans les zones déficitaires sous conditions (exercice en groupe), une option conventionnelle qui a bénéficié à moins de 600 médecins - dont quelques dizaines seulement de nouvelles installations. Par ailleurs, des aménagements des conditions d'exercice de la médecine sont désormais favorisés (exercice sur lieux multiples, contrat de collaboration libérale) censés améliorer la répartition de l’offre de soins.
Pas de remède miracle.
Parfois peu connues, ces mesures semblent avoir un impact limité ; surtout, la littérature étrangère ne met en évidence aucun remède miracle. Ainsi, les stratégies strictement financières se révèlent toujours insuffisantes (c’est plutôt la politique d’aménagement du territoire qui est décisive). Les bourses à la formation (massivement mises en uvre aux États-Unis, Canada, Australie…) ont un impact à court terme mais ont aussi engendré d’importants effets d’aubaine. Quant à la limitation de l’installation des médecins en zone excédentaire, le pas n’a pas encore été franchi dans notre pays mais, là encore, les exemples étrangers doivent inciter à la prudence. En Allemagne, le conventionnement à l’installation limité dans les zones surdenses (sauf succession ou besoin exceptionnel) a détourné les étudiants des filières médicales…
Aujourd’hui, le gouvernement et les élus oscillent toujours entre la carotte (toutes les mesures positives issues des états généraux) et le bâton. Quitte à imaginer un scénario en deux étapes, privilégiant les incitations pendant trois ou quatre ans avant, si besoin, une reprise en main de la démographie par les directeurs d’ARS (futures agences régionales de santé). La CSMF rappelle que « toute politique de coercition sera vouée à l’échec et même contre-productive ». Dès 2007, la Cour des Comptes recommandait des pénalités financières contre les médecins s'installant dans les zones excédentaires. Plus récemment, c’est l’intention prêtée au gouvernement d’instaurer une taxe contre les médecins des zones surdotées refusant de prêter main-forte dans les zones sous dotées qui a déclenché une vive polémique… Quant aux députés, la teneur de certains amendements - déconventionnement des praticiens en cas d’installation dans les zones sudenses, début de carrière obligatoire en zone sous-dotée… - montre que, à droite comme à gauche, on trouve de farouches partisans de mesures autoritaires immédiates.
Roselyne Bachelot de son côté a toujours affirmé qu’elle préserverait la liberté d’installation. Mais entre ce principe, la commande élyséenne d’obtenir des résultats sur la démographie et l’impatience de certains élus, la ligne de crête est toujours étroite.
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