Nous sommes souvent quelque peu surpris par les atermoiements et les réactions de nos politiques en ce qui concerne le domaine de la santé.
Ainsi, notre ministre de tutelle ne cesse de dire que le généraliste libéral de terrain reste la pierre angulaire dans la prise en charge du patient. Or nous notons la préférence de cette dernière pour les hôpitaux qu’elle ne cesse de renflouer à coup de millions voir de milliards d’euros. À côté de cela, le médecin libéral ne doit se contenter que des encouragements nourris de la ministre, à défaut d’une hypothétique revalorisation.
Pour permettre à ces derniers de mieux travailler (car certains collègues hospitaliers ont pensé à leur problème de disponibilité), il a été proposé un « accompagnement » grâce aux sociétés de prestation. Ces dernières très outillées interviennent au domicile des patients, et elles peuvent fournir le matériel pour perfuser les patients porteurs de cathéters centraux, apporter l’oxygène nécessaire pour que le patient puisse avoir un confort de vie, gérer la nutrition parentérale (d’ailleurs cette « option » ne peut plus être effectuée par les équipes libérales).
Il y a 10 ans de cela (peut-être un peu plus, je le concède), les professionnels de santé de terrain œuvraient en cheville avec les pharmacies pour permettre aux patients d’avoir les mêmes prestations qu’en 2016. D’ailleurs à cette époque nous n’avions pas de problèmes car cette proximité permettait d’avoir d’énormes avantages : la disponibilité, et la qualité du rapport humain.
Au fil du temps, la brèche favorisée par le développement d’une nouvelle politique de santé. Cette dernière est axée sur un retour à domicile rapide, source non négligeable d’économies, et a conduit au développement de nombreuses sociétés prestataires. Les libéraux ont dû, avec souvent quelque réticence, s’adapter à cette nouvelle donne que les hôpitaux ont impulsée. Ainsi, il est fréquent de se retrouver avec plusieurs sociétés de prestation pour un même patient ; sociétés qui ayant des fonctions différentes ne se coordonnent pas. Ainsi le médecin libéral et son équipe de paramédicaux doivent composer avec cette partition imposée (parfois avec quelques difficultés).
Au décours de ce nouveau mode « d’activité », nous, les professionnels de terrain, nous sommes rendus compte de la gabegie financière engendrée par cette pratique. Combien de fois n’avons-nous pas été étonnés par la quantité de matériel fourni (en général le calcul se fait sur un mois) pour un patient en phase terminale dont l’espérance de vie ne va dépasser une semaine. Combien de fois avons-nous dû nous expliquer (souvent avec beaucoup de mépris) avec les responsables de ces sociétés pour leur expliquer que le matériel fourni ne permettait pas de travailler convenablement.
Les pouvoirs publics conscients de la note de plus en plus salée remboursée à ces sociétés ont décidé de réglementer leur activité en demandant des comptes sur le matériel fourni. Ainsi depuis le 1er mai, une nouvelle directive émanant de la CNAM oblige les professionnels de santé à effectuer une prescription très détaillée lors de la perfusion des patients à domicile. Cette directive, même si elle apparaît en premier lieu tout à fait justifiée pour éviter les abus, risque à moyen terme de décourager les libéraux dans leur pratique ambulatoire. Ils seront réticents pour effectuer une prise en charge à domicile des patients dépendants, et nécessitant un coup de pouce au moyen d’une perfusion.
Comment nos organismes de tutelles n’ont-ils pas pris le temps :
- de nous informer ?
- de discuter avec les professionnels de terrain pour avoir leur avis sur la pratique des soins à domicile ?
- de savoir comment faire des économies tout en permettant aux patients d’avoir un contact avec les acteurs locaux dans leur prise en charge (infirmières, pharmaciens…) ?
En fait ils n’ont pas réfléchi car pour eux les libéraux sont comme les prestataires des gens dont la fiabilité est quelque peu aléatoire. Or s’ils descendaient de leur tour d’ivoire, ils verraient qu’en revalorisant de manière convenable les libéraux, ils obtiendraient une médecine de qualité avec des professionnels avertis… et ils pourraient même faire des économies.
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