Les infirmiers, premier rempart face aux déserts médicaux ? Alors que « le système de santé ne permet pas de garantir une offre de soin équitable pour tous », l’Ordre des infirmiers pousse ses pions avec un argument massue : les infirmiers sont aujourd'hui présents partout en France, « y compris dans les déserts médicaux ».
L’Ordre national des infirmiers (ONI) vient de publier une cartographie de la répartition des 458 000 infirmiers inscrits à l'Ordre, en activité en 2022. Résultats : ces paramédicaux sont présents dans chacun des 1 663 bassins de vie définis par l’Insee. « La densité infirmière, tous modes d’exercice confondus, est particulièrement élevée dans les zones de sous-dotation médicale, en particulier de médecins généralistes », glisse l’ONI.
Plus jeunes que les médecins
En ville comme à la campagne, les infirmières libérales sont installées « aussi bien » en zones rurales que périurbaines, vante leur Ordre. « Certaines nuances territoriales apparaissent, entre des zones où la densité de la présence infirmière est particulièrement élevée – Pyrénées, Est de l'Aquitaine, Limousin, Auvergne – et d'autres où elle se concentre davantage dans les villes moyennes ou les capitales régionales (Île-de-France, Somme, ex-Haute Normandie, Pays de la Loire, est de la Bretagne) », note l’ONI.
Autre avantage pour la profession : sa jeunesse. Avec un âge moyen de 39,4 ans, les infirmières sont « nettement » plus jeunes que les autres professionnels de santé, avance l’Ordre. Dans ce contexte, « ce serait une faute de ne pas s’appuyer sur cet atout considérable pour répondre aux besoins de nos concitoyens et régler le problème des déserts médicaux », affirme Patrick Chamboredon, président de l’Ordre national des infirmiers.
Prescription, accès direct et certificats de décès
Sur ces bases, l’Ordre défendra ses positions lors du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2023 et du Conseil national de la refondation (CNR).
Concrètement, l’ONI réclame une « montée en compétences » des infirmières, un « accès direct » et une autonomie renforcée de la profession. L’Ordre propose également d’étendre leurs prérogatives en matière de consultations et de prescriptions, et de faire des « infirmiers référents » le premier niveau de l’accès au soin, capables d’adresser les patients vers d’autres professionnels de santé. Et pour « préserver la dignité des patients décédés et de leurs familles », l’ONI souhaite permettre aux infirmiers d’établir des certificats de décès.
Enfin, l’accès direct aux infirmières en pratique avancée (IPA) devra être formalisé, « sans protocole », espère l'Ordre. Le tout en développant la mise en place d’IPA de premier recours, l’une des recommandations émises cet été par la mission Braun sur les urgences.
Pour un nouveau décret infirmier
Accès direct, autonomie accrue et délégations : le programme est ambitieux. « Pour cela, il faut mettre fin aux corporatismes et ouvrir la voie à de réels transferts de compétences entre professionnels de santé », insiste Patrick Chamboredon. « C’est pourquoi nous demandons la publication du nouveau décret infirmier pour juin 2023, afin que les prochaines promotions d’infirmiers puissent être rapidement formées aux nouvelles compétences ».
Des travaux sur les transferts de compétences vers les paramédicaux ont été engagés entre tous les Ordres professionnels mais ont pris du retard. L’Ordre des infirmiers enfonce le clou, constatant « qu’à date », « les travaux ne laissent pas de perspective d’accord sur les transferts effectifs de compétences médicales demandé par les Ordres paramédicaux ».
L'Ordre des médecins mise sur les équipes
Faut-il y voir un signe que les lignes bougent quand même ? Ce vendredi, l'Ordre national des médecins a proposé de son côté une réorganisation du parcours de soins dont l'objectif serait que « chaque patient, dans chaque territoire, puisse être pris en charge par une équipe de soins primaires de proximité ». Dans ce cadre, l'Ordre envisage une nouvelle « répartition des actes » entre le médecin traitant et les autres professionnels de santé permettant de dégager du temps médical en priorité pour les patients sans médecin traitant et/ou en ALD.
Cette équipe de soins primaires serait coordonnée par le médecin (diagnostic, choix thérapeutiques, moyens) et associerait les spécialistes de second recours. L'équipe serait renforcée par des assistants médicaux et des infirmières de pratique avancée (IPA) de spécialité. « Les compétences spécifiques des autres professions de santé devront être développées et encouragées », admet l'Ordre des médecins. Mais le transfert d'actes médicaux à d’autres professionnels de santé exige que le rôle du médecin au sein du territoire soit « réhabilité, revalorisé », recadre l'Ordre, qui réclame notamment une définition précise des consultations longues. Une autre façon de se positionner sur le défi des déserts médicaux.
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