La liberté d’installation à nouveau sur le grill

Des députés UMP reviennent à la charge sur la coercition

Publié le 18/03/2013
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Crédit photo : AFP

LES PROJETS ou propositions de loi visant à instaurer une régulation, voire une coercition à l’installation en médecine libérale, n’ont pas manqué ces dernières années (voir ci-dessous), sans jamais être adoptés.

Mais certaines idées ont la vie dure. Le fait aussi que d’autres professions libérales de santé (kinés, infirmières...) aient accepté, sous conditions, des mesures directives nourrit l’imagination des élus de tout bord. Cette fois, une proposition de loi, émanant d’un groupe de 30 députés, tous UMP, a été enregistrée fin 2012 à l’Assemblée. Selon son principal auteur, Guénhaël Huet, député de la Manche, elle pourrait être discutée par l’Assemblée « avant l’été ».

Planification.

Pour répondre au défi des déserts médicaux, les auteurs jugent que l’augmentation régulière du numerus clausus« n’est pas pertinente », et que les incitations financières à l’installation « ne constituent pas non plus une solution satisfaisante à long terme ». Il leur paraît donc « opportun d’explorer une voie plus contraignante ». Difficile d’être plus clair. Le texte propose d’abord d’instaurer une véritable régionalisation du numerus clausus. Surtout, il recommande de contraindre les internes en médecine générale à choisir leur futur lieu d’exercice « sur une liste nationale de lieux où l’offre médicale est insuffisante ou la continuité de l’accès aux soins menacée ». Cette liste serait établie par le centre national de gestion « sur proposition des ARS ». Une nouvelle forme de planification sanitaire, à rebours de la politique incitative actuelle.

Les futurs généralistes visés.

Guénhaël Huet s’explique. Il souhaite qu’il n’y ait plus « un seul numerus clausus, mais un par région, dont la gestion serait confiée aux directeurs généraux des ARS ». Le député reconnaît qu’il faudra alors adapter les moyens des facultés de médecine et des CHU « pour qu’ils soient en mesure d’absorber ces nouveaux étudiants ». Pour lui, « l’idée c’est que les étudiants s’installent là où ils se sont formés ».

Quant à la contrainte à l’installation, Guénhaël Huet n’envisage pas de la généraliser à tous les futurs médecins, mais seulement...à ceux qui se destinent à l’exercice libéral en médecine générale. « On ne va pas demander à un ophtalmo ou à un gynécologue de s’installer à la campagne », assume-t-il. Le député évalue cette période d’exercice contraint à « cinq ans minimum », mais ne propose pas, à ce stade, de sanction en cas de refus de l’interne. « Je ne veux pas m’engager dans un processus trop contraignant », explique-t-il.

L’UMP divisée sur ce sujet sensible.

Beaucoup de médecins sont convaincus qu’une mesure coercitive de ce type constituerait, non pas un encouragement, mais un frein puissant à l’installation en libéral. Guénhaël Huet balaie l’argument. « C’est déjà le cas, assure-t-il, c’est typiquement l’histoire du serpent qui se mord la queue ».

Le député prend l’exemple d’Avranches, la ville dont il est maire. Cette commune de 8 000 habitants compte aujourd’hui une vingtaine de généralistes et autant de spécialistes. « Mais leur moyenne d’âge est de 54 ans, et presque tous seront partis à la retraite d’ici 10 ans, pronostique-t-il. Qui va les remplacer ? »

En fin de semaine dernière, un communiqué signé cette fois par 5 sénateurs UMP mettait en garde contre les effets délétères de la coercition. Selon ces élus, « les solutions pour lutter contre le manque de médecins ne doivent pas être prises contre les médecins ». Guénhaël Huet estime que ce communiqué vise plutôt le récent rapport sénatorial qui prônait des mesures autoritaires. S’il reconnaît qu’il y a deux écoles sur ce sujet à l’UMP, il ne se sent « pas désavoué » par ses collègues.

 HENRI DE SAINT ROMAN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9227