Afin de simplifier les signalements des violences conjugales par les médecins, un protocole a été signé mercredi entre le parquet de Paris, l’AP-HP, la préfecture et l’Ordre des médecins parisien. Il s’agit de la 69e signature en France, après la validation d’accords similaires dans une série d'autres départements. « Notre priorité est aujourd’hui de juguler le chiffre noir des violences conjugales », a annoncé la procureure de Paris, Laure Beccuau, désignant l’ensemble des faits passés inaperçus. La représentante du Parquet a rappelé les très nombreux féminicides qu’aucune main courante n’avait précédés.
Cet accord vise ainsi à simplifier la relation entre les 27 000 praticiens du département, la police et la justice, dans les cas de violences conjugales. « Les médecins figurent en première ligne du signalement », a rappelé le Dr Christine Louis-Vahdat, vice-présidente du conseil départemental de la ville de Paris de l'Ordre des médecins. « À cause des pressions possibles, notamment de la part des auteurs, il peut y avoir une certaine crainte à signaler. Aussi, des ateliers de formation sont prévus, pour le repérage et prise en charge des victimes. »
Alors que les violences conjugales passent encore aujourd’hui largement sous les radars, les victimes portant rarement plainte en raison de leur vulnérabilité économique ou de phénomènes d'emprise psychologique, l’accord résout quelques problématiques juridiques et éthiques auxquelles se confrontent les médecins.
La dérogation permissive au secret médical
« Cette absence de signalement par la victime (...) peut être liée aux difficultés à identifier l’ampleur de la violence subie et ses différentes formes (physiques, verbales, sociales, économiques, sexuelles). L’identification des victimes (...) est donc essentielle, étape dans laquelle les [médecins] sont des partenaires majeurs », explique le texte qui rappelle un certain nombre de points de la loi.
Face à une patiente qui s’oppose au signalement, le protocole confirme que le médecin peut « réaliser un signalement au procureur de la République », « sans l’accord de la victime », s’il « met en évidence une situation de danger immédiat et d’emprise », dans l’esprit de la loi du 30 juillet 2020 modifiant les dispositions de l'article 226-14 3° du Code pénal. Alors que les médecins sont régulièrement confrontés à des plaintes pour sa violation, le protocole rappelle aussi dans quelles circonstances un praticien peut lever le secret médical.
« L’article 226-14 du Code pénal permet une dérogation au secret médical dans un cas particulier (femme en danger immédiat, victime de violences conjugales ET sous emprise) et ne souhaitant pas déposer plainte. Le médecin peut signaler au procureur de la République sans l’accord de la victime (sous réserve qu’elle en soit informée) », spécifie le texte.
L’accord précise également que pour les cas où le danger immédiat et l’emprise ne sont pas attestés, il est possible de signaler des faits, mais avec l’accord de la victime. « Nous allons vous solliciter de plus en plus », a de son côté annoncé aux médecins Laurence Gayraud, directrice territoriale adjointe de Paris, qui représentait la préfecture, affirmant que les violences conjugales constituent une priorité gouvernementale et pour les forces de police.
Pour concrétiser l’objectif de l’accord, le Dr Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, vice-présidente du Conseil national de l’Ordre, a rappelé l'importance du vademecum pour accompagner les professionnels de santé publié en 2020 par l’Ordre des médecins, avec le ministère de la Justice et la Haute Autorité de santé.
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre