Pas à pas, le parcours de soins (à plusieurs entrées) du soignant en souffrance se construit à la faveur de multiples initiatives originales qui témoignent aussi de l'urgence à apporter des réponses concrètes.
En début de chaîne, la plateforme téléphonique de SPS reçoit depuis 2016 les appels des professionnels de santé en détresse. Près de 1 800 d'entre eux ont appelé en un an, en majorité des infirmiers et des médecins. Une très large majorité a été prise en charge à la suite de ces appels. Le soignant est écouté par l'un des 60 psychologues de la plateforme, lors d'une ou plusieurs consultations. Le psychologue doit prendre en compte les « nouvelles organisations du travail », précise Marie Pezé, psychanalyste spécialisée dans la souffrance au travail. Le poids de l'administratif qui grignote le temps médical est une donnée récurrente. « Les prises en charge proposées doivent être novatrices et prendre en compte ces spécificités, insiste Marie Pezé. Autre exemple, l'impact sur le sommeil d'une surcharge de travail demande de faire des bilans neuropsychologiques ».
Consultations et hôpitaux de jour
L'état du professionnel de santé peut exiger une hospitalisation. De nombreux établissements ont adapté leur activité aux soignants. C'est le cas notamment en Rhône-Alpes et en Occitanie, où plusieurs structures réservent une partie de leur activité à l'accueil de médecins ou de professionnels de santé en situation de fragilité.
À Lyon et à Grenoble, 20 places sont proposées dans deux hôpitaux de jour mis en place par le réseau Psypro. Les soignants en souffrance peuvent y réaliser des bilans psychologiques mais aussi faire de l'activité physique adaptée (APA), de la balnéothérapie et de l’accompagnement à la reprise du travail. « Il faut coupler le physique avec le psychologique », résume le Dr Yves Kossovsky, psychiatre et co-responsable du déploiement des unités Psypro.
À Villeneuve-lès-Avignon (Gard), la clinique Bellerive accueille les médecins avec des programmes adaptés et personnalisés. L'établissement doit son existence au Dr Yves Léopold, ancien généraliste d'Avignon dont l'étude pionnière en 2003 avait montré la surmortalité par suicide des médecins. Convaincu de la nécessité d'une prise en charge spécifique des médecins en souffrance, le Dr Léopold avait obtenu en 2011 l'autorisation de l'agence régionale de santé (ARS) de créer une unité dédiée aux soignants au sein de la clinique Bellerive. 180 praticiens y ont été pris en charge pour des séjours d'une durée moyenne de 22 jours… et 95 % d'entre eux estiment avoir attendu trop longtemps avant de se faire soigner.
Unités spécialisées
D'autres établissements intègrent dès l'origine l'objectif de « soigner les soignants ». La clinique de Châtillon-en-Michaille, dans l'Ain, devrait ouvrir en mars 2018. « Nous proposerons aux professionnels de santé de l'hydrothérapie médicale, en plus des psychothérapies individuelles ou de groupe, mais aussi des ateliers d'échanges sur la gestion de la bonne distance aux patients ou encore de l'éducation thérapeutique… », énumère le Dr Frédéric Lefebvre, psychiatre et directeur de la structure. Vingt lits (sur les 100 que comptera la clinique) permettront de prendre en charge les pathologies psychiques et addictives, voire les complications somatiques et les tentatives de suicide, précise le Dr Lefebvre.
La clinique Le Gouz à Louhans (Saône-et-Loire) ouvrira au printemps 2018 au sein du groupe Ramsay Générale de Santé. Une quarantaine de lits seront réservés exclusivement aux professionnels de santé – tout comme une salle de balnéothérapie, des salles de sport, de restauration, mais également un salon de coiffure. « Il est important de permettre aux soignants d'être uniquement entre eux car ils ont une relation différente au soin par rapport aux autres patients », explique Odile Agopian, directrice des exploitations en santé mentale du groupe. Elle met en avant l'éloignement géographique « nécessaire » pour éviter de croiser des confrères ou des patients, rencontres souvent vécues comme honteuses par le soignant en souffrance.
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