« À l’heure où un Français sur dix ne parvient pas à trouver un médecin traitant, la volonté de l’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) et du ministère de la Santé de briser la formation à la maîtrise de stage est incompréhensible », s’est insurgé le Syndicat national des enseignants de médecine générale (Snemg), vendredi dernier.
Cela faisait depuis plusieurs semaines que le torchon brûlait entre les maîtres de stage et le ministère de Santé. En cause : un arrêté « publié en catimini entre Noël et le jour de l’an », qui vient considérablement réduire les formations prises en charge par l’ANDPC pour se former à la maîtrise de stage.
« Nous sommes passés de six jours de formation à 10 heures », résume, amer, auprès du « Quotidien », le Dr Philippe Serayet, généraliste dans le Gard, son tout nouveau président du Snemg. Désormais, les futurs maîtres de stage des universités (MSU) ne pourront bénéficier que d’une seule et unique formation dite « hors quota » pour obtenir leur agrément. Pour le reste ? « S’ils veulent en plus se former à la direction de thèses, au tutorat ou acquérir de nouveaux outils, ils seront obligés de puiser dans leur quota habituel », souffle le Dr Serayet. Une décision « inique », « absurde » pour les MSU, qui réclament « un maintien du dispositif de leur formation ».
Les formations de mars annulées
Déjà secoués par la publication des textes réglementaires de décembre, les maîtres de stage viennent désormais d’apprendre que « l’ANDPC a décidé de manière brutale que les formations déjà programmées qui devaient se dérouler à partir de mars prochain seront annulées ». Une application « autoritaire des arrêtés », selon le Dr Serayet, qui « prive 200 futurs maîtres de stage de formation et d’agrément ». La conséquence est qu'en mai, ces confrères ne pourront pas accueillir, comme prévu, des étudiants de 2e et 3e cycles.
« C’est une décision complètement paradoxale face à la volonté politique de lutter contre les déserts médicaux et d’infléchir la tendance », regrette le président du Snemg, convaincu que « la présence de MSU et leur recrutement par la formation est la mesure la plus efficace pour lutter contre la désertification médicale et favorisent des installations pérennes de médecins généralistes ».
L'ANEMF et L'ISNAR sont avec nous. Ils sont convaincus, comme nous, que l'enjeu, derrière les freins à la formation des MSU, c'est la demographie médicale sur les territoires qui est en jeu. Et un boulevard pour les partisans de la coercition à l'installation
— SNEMG (@LeSNEMG) January 30, 2022
Économies de bout de chandelle
« Méprisés », les représentants des maîtres de stage n’ont pas été consultés par le ministère de la Santé, et « la décision a été prise malgré un avis défavorable de la Commission nationale des études de maïeutique, de médecine, d'odontologie et de pharmacie », rappelle le Dr Serayet. En diminuant l’attractivité de la maîtrise de stage, le président du Snemg craint « une baisse du nombre de terrain de stage, mais aussi un moins bon accueil des étudiants, car les MSU n’auront plus les bons outils pédagogiques ».
À terme, Philippe Serayet craint aussi une baisse d'attractivité des territoires par manque de MSU, « qui sont souvent moteurs des CPTS par exemple ». « Alors que nous sommes en pleine période électorale, le gouvernement va devoir expliquer le pourquoi de la mise en œuvre depuis fin décembre 2021 d’une politique antidémographique pour les médecins généralistes, inédite depuis 20 ans », prévient encore le syndicat.
Travail de sape
Ce lundi, MG France a également jugé la mesure comme « un mauvais coup porté à l'accès aux soins » et réclame au gouvernement « le retrait de cette disposition absurde et néfaste au développement de l'offre de soins ». Le syndicat argumente que la limitation de la capacité à se former à la maîtrise de stage « en imputant cette formation spécifique à leur quota de formation continue, freine le développement des stages extra-hospitaliers et nuit à la qualité de leur encadrement. » Et il n'hésite pas à affirmer que « le travail de sape de la formation des médecins généralistes actuels et futurs se poursuit. »
Durant la dernière décennie, le nombre de maîtres de stage français était passé de 3 000 à 12 000.
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