Quelques heures après l'accord entre les sénateurs et les députés sur la loi Rist – qui ouvre un accès direct aux infirmières en pratique avancée (IPA), kinés et orthophonistes – les paramédicaux concernés ont exprimé leur vive déception.
En une phrase, le Syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes (SNMKR) résume son amertume : « La montagne accouche d’une souris. » Alors que le texte adopté par les parlementaires a été largement remanié hier en commission mixte paritaire (CMP), les kinés dénoncent un accord « malheureusement bien loin des attentes de la profession et des besoins de la population » et un manque « d'audace ».
« Tout ça pour ça »
La proposition de loi déposée par la députée macroniste du Loiret Stéphanie Rist visait à élargir notamment les missions des IPA et des kinés en leur offrant un accès direct, sans passer par la case médecin. Ce principe est acté mais en CMP, les parlementaires se sont ralliés à la version beaucoup plus restrictive voulue par le Sénat, en écartant un accès direct aux paramédicaux exerçant au sein de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Cet accès direct ne sera ainsi possible qu’en maison de santé pluridisciplinaire, centre de santé ou équipe de soins primaires ou spécialisés.
Un non-sens, pour le syndicat de kinés qui regrette que la CMP « ampute largement l’ambition initiale de la proposition de loi ». Le SNMKR rappelle que seulement 4 % des kinés exercent en MSP « alors que des dizaines de milliers s’investissent quotidiennement au sein de leur CPTS ». « Tout ça pour ça », souffle le syndicat.
Sur ce point, la Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR), également en colère, conseille aux parlementaires de tirer les conséquences de « l’échec » des protocoles de coopération sur la lombalgie et la torsion de cheville en accès direct, limités aux seules MSP. « Moins de 50 patients sur l'ensemble du territoire national avaient pu bénéficier de ce dispositif de prise en charge ! », tacle la fédération, qui n’en démord pas : la loi Rist a été « vidée de sa substance ». Elle dénonce un compromis « cosmétique » qui ne répond pas à son objectif initial de « faciliter l’accès aux soins par une amélioration visible ».
Les kinés regrettent aussi que la CMP ait limité l'accès direct à 8 séances sans prescription, contre 10 initialement. Un coup de rabot qui n’a « aucun sens », selon le SNMKR. « C’est irrationnel d’un point de vue médical, le minimum de séances dans nos référentiels HAS est de dix pour l’entorse de cheville », avait rappelé la présidente de l’Ordre des kinés, Pascale Mathieu, mi-février. « En cas d’absence de résultats, les kinés sont habitués à réorienter leurs patients vers le médecin traitant », abonde le SNMKR.
« Réflexion corporatiste »
Même déception sur la version finale du texte pour l’Ordre national des infirmiers (ONI) qui dénonce une « incohérence » teintée « d’incompréhension », risquant de porter « un coup majeur au déploiement des CPTS ». « Elles sont précisément les structures qui permettraient de faire vivre l’exercice coordonné des professionnels au service des patients », se désole l’Ordre.
Alors que l’échelle de la CPTS pour l'accès direct avait braqué une partie des syndicats de médecins, dont MG France, l’Ordre infirmier, voit derrière cette restriction « les ressorts d’une réflexion corporatiste qui donne la priorité à la défense des intérêts de certains plutôt qu’à l’intérêt supérieur des patients ». Et de conclure : « Corporatisme, insultes, menaces et désinformations auront eu raison de l’intérêt du patient. »
Les médecins libéraux soulagés
Côté praticiens, c'est plutôt le soulagement. Ce vendredi, la Fédération des médecins de France (FMF) salue l’exclusion des CPTS pour l'accès direct aux paramédicaux mais aussi la suppression de « l'engagement territorial » – qui aurait pu obliger certains confrères à prendre davantage de patients, faire des gardes ou exercer dans un désert médical. « Enfin du bon sens ! », se réjouit la centrale qui y entrevoie « une prise de conscience » des parlementaires et « une écoute de la réalité de terrain ».
Les pharmaciens, eux aussi, sont ravis. Alors que la CMP a validé l’amendement qui permettra aux officinaux de renouveler une ordonnance périmée dans la limite de trois mois – contre un actuellement – la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) salue une mesure pour « assurer la continuité des traitements ».
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