LE QUOTIDIEN – Quelles sont les principales craintes des jeunes ?
Dr CHRISTIAN ZICCARELLI – La lourdeur administrative, le risque financier et une faible diversité des pratiques sont les trois principales raisons invoquées par les jeunes internes en cardiologie pour ne pas s’installer en libéral. Or comme je leur explique régulièrement, la lourdeur administrative est réduite aux deux ou trois premières années. Ensuite, les tâches administratives sont très routinières. Quant au risque financier, sauf à s’installer dans une région hypersaturée comme Paris ou la région PACA, il est inexistant. Aujourd’hui, quand un cardiologue visse sa plaque en ville, ses consultations sont pleines un mois après. Les investissements sont donc facilement remboursés. Enfin, contrairement aux idées reçues, l’exercice libéral ouvre un très large champ d’exercice en cardiologie. De la prévention à la réadaptation cardiaque en passant par l’imagerie, la prise en charge et le suivi de l’ensemble des pathologies cardio-vasculaires, le cardiologue libéral en ville peut quasiment tout faire en fonction de ses domaines de compétence. Une grande majorité a d’ailleurs une activité mixte, en partie libérale et en partie salariée, qui permet de diversifier les pratiques, par exemple certains d’entre nous font de l’imagerie de stress ou ont une activité en cardiologie interventionnelle (coronaire ou rythmologique) en établissements privés ou publics... Et avec le développement de la réadaptation cardiaque, de l’éducation thérapeutique, de la télémédecine, sans compter les maisons de santé, un vaste champ s’ouvre aux cardiologues libéraux.
Comment lutter contre la désaffection pour l’exercice libéral ?
L’activité libérale reste largement méconnue des internes quasi exclusivement formés à l’hôpital dans des services de cardiologies eux mêmes de plus en plus surspécialisés (soins intensifs cardiologiques, cardiologie interventionnelle, imagerie, etc.). D’autant que, contrairement aux anciens, ils font peu ou pas de remplacements en ville. Et cette méconnaissance explique probablement une grande part du manque d’engouement actuel pour l’installation en libéral. Pour y remédier, il faudrait initier les internes à la cardiologie hors hôpital. Dans cette optique, dans le Grand Ouest, des journées de sensibilisation ont été lancées par les Prs Daubert (Rennes), Herpin (Poitiers) et Trochu (Nantes) pour permettre, dès cette année, aux internes d’être informés pendant une semaine sur l’exercice libéral. Et il faudrait même mettre en place de véritables stages en cardiologie libérale de ville si l’on veut lutter contre l’idée que hors de l’hôpital point de salut.
Les jeunes sont en outre très soucieux de leur qualité de vie autant professionnelle que familiale. Et cela va aller s’accentuant avec la féminisation de la profession. S’y ajoute un désir manifeste d’exercice libéral pluridisciplinaire, non isolé. C’est pourquoi si on veut attirer les jeunes en ville il faut développer l’exercice pluridisciplinaire, que ce soit en cabinet de groupe virtuel ou dans les maisons de santé. Or sur le plan administratif, plusieurs décrets autorisent désormais ces nouveaux modes d’exercice notamment en sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) avec une nouvelle définition des maisons de santé. Au Pays basque et dans la région de Cavaillon, deux associations réunissant une vingtaine de cardiologues ont ainsi pu organiser une permanence de soins avec des cabinets « tournants » en ville, en clinique et à l’hôpital, les cardiologues se déplaçant d’un lieu à l’autre. Et pour pouvoir porter, négocier des projets face aux Agences régionales de santé (ARS), les libéraux ont de toute façon à l’avenir tout intérêt à aller vers diverses structures de groupe. Des structures qui répondent justement à leur désir d’exercice multidisciplinaire, bien loin du cliché dépassé d’un exercice libéral solitaire, monopratique puisque déjà aujourd’hui plus de 60 % des cardiologues libéraux exercent une activité mixte.
Encadré
78% des libéraux ont plus de 52 ans
Si l’on se réfère aux données INSEE, en 2012, on dénombre 4374 cardiologues en France métropolitaine - soit une densité moyenne de 10 cardiologues pour 100000 habitants - dont 4121 en activité libérale ou mixte (66%). Globalement deux tiers de cardiologues exercent donc au moins en partie une activité libérale contre un tiers une activité salariée exclusive selon l’INSEE. Mais la démographie médicale conjuguée au manque d’attrait des jeunes pour l’installation en libéral font craindre des difficultés d’accès aux cabinets de cardiologie de proximité dans les prochaines années. "Plus de trois quart des cardiologues libéraux ont plus de 52 ans" souligne C Ziccarelli. "Et le Conseil de l’Ordre, qui dénombrait pour sa part début janvier 2011 un total de 6052 cardiologues dont 4098 libéraux, a enregistré un recul du taux de cardiologues libéraux ces deux dernières années. Ils ne constitueraient plus que 5 à 10% des nouvelles inscriptions annuelles à l’Ordre en cardiologie. Un recul inquiétant même si ces chiffres sont à prendre avec précaution, nombre de cardiologues s’inscrivant alors qu’ils sont encore à l’hôpital avant d’évoluer plus tard vers un exercice libéral ou mixte", nuance le Dr Christian Ziccarelli.
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