Face à l'urgence démographique et à la pression des élus, le Dr Philippe Vermesch, président du Syndicat des médecins libéraux (SML) – qui réunit ses cadres à Nice jusqu'à dimanche – s'oppose à toute coercition. Lors des prochaines négociations conventionnelles, le stomatologue du Var défendra la hausse de la consultation de base à « 50 euros », l'ouverture du secteur II pour les volontaires qui auront exercé quelques années dans un désert et les vacations défiscalisées des « médecins volants ».
LE QUOTIDIEN : Le volet santé du Conseil national de la refondation (CNR) s'ouvre ce lundi au Mans. Craignez-vous une usine à gaz ?
DR PHILIPPE VERMESCH : Cette méthode très macronienne est un peu démagogique. On fait parler tout le monde mais à la fin, sans doute que tout aura été décidé à l'avance. On ne sait pas grand-chose du calendrier de travail, de la nature des réunions ou de l'organisation… Je refuse en tout cas la multiplicité des séances comme cela s'était passé pour le Ségur de la santé ! Il existe déjà un panel de solutions connues qu'il suffit de mettre en place. Pour la méthode, je préfère une mission flash comme l'a fait François Braun où une trentaine d'acteurs – élus, professionnels, patients – s'entendent rapidement sur les mesures à prendre.
Le PLFSS 2023 prévoit une hausse de 2,9 % pour les soins de ville. Est-ce que c'est à la hauteur avant les négos conventionnelles ?
Non. Alors que 80 % des Français sont pris en charge en ville, ce budget privilégie l'hôpital, il est encore une fois déséquilibré. Pour la ville, cette progression de 2,9 % sera insuffisante pour rendre attractive la médecine libérale. Récemment, une médecin généraliste m'a expliqué qu'elle avait trois remplaçants et qu'aucun ne souhaitait s'installer ! Pourquoi ? Avec un acte à 25 euros, ils préfèrent aller faire autre chose que de la médecine générale libérale. Nous avons estimé à 10 milliards d'euros sur cinq ans le niveau de l'investissement nécessaire pour moderniser la médecine libérale.
Le DG de la Cnam Thomas Fatôme ne ferme pas la porte à une hausse de la consultation de base. Quel est le tarif acceptable pour le SML ?
En réalité, la consultation devrait être à 50 euros, correspondant à la moyenne européenne. Je comprends que le gouvernement ne puisse pas annoncer du jour au lendemain le doublement du tarif de référence. Mais il peut proposer une hausse progressive sur cinq ans, le temps de la convention. En contrepartie, les médecins pourront s'engager à voir moins souvent les patients polypathologiques stables, tous les ans par exemple. Ce temps médical regagné permettra aux praticiens d'augmenter leur file active. On réglerait en grande partie le problème d'accès aux soins des Français.
Sept millions de Français n'ont pas de médecin traitant. Le temps n'est-il pas venu de trouver une forme de régulation à l'installation des nouveaux médecins ?
Il faut sans doute revoir le dispositif du médecin traitant. Une personne en bonne santé de 25 ou 30 ans n'a pas nécessairement besoin d'en avoir un. En revanche, il faut absolument que les 600 000 patients en ALD sans médecin traitant puissent en trouver. Et cela n'est possible que si les généralistes arrivent à dégager davantage de temps médical. Le SML a toujours soutenu les assistants médicaux, dispositif qu'il faut simplifier, et aussi l'exercice coordonné avec les IPA [infirmières de pratique avancée] pour assurer le suivi des patients chroniques stabilisés. En revanche, le syndicat s'est toujours opposé à toute forme de coercition, une fausse bonne idée. Nous ne cautionnerons pas non plus l'article 22 du PLFSS [révisant les règles du conventionnement, NDLR] qui veut permettre un conventionnement sélectif…
Que proposez-vous ?
Pour surmonter les difficultés d'accès aux soins, nous avons des solutions gagnantes/gagnantes. Pour les médecins – internes, jeunes ou seniors – qui souhaitent aller volontairement dans les déserts médicaux pendant trois ans, on pourrait s'engager à leur ouvrir le secteur II à l'issue de ces trois années avec la possibilité de s'installer là où ils le souhaitent. Et dans les zones où il n'y a plus du tout de médecins, nous proposons que les cabinets de groupe aux alentours organisent des vacations de leurs praticiens. Ces « médecins volants », concept inventé et porté par le SML, iront faire à tour de rôle des consultations avancées défiscalisées. C'est la carotte à la place du bâton !
Un an après les élections professionnelles, où en est votre rapprochement avec les autres syndicats comme l'UFML ou la FMF ?
Le rapprochement est au point mort. J'invite pour ma part tous les syndicats à travailler ensemble sur un projet conventionnel commun. Je ressens une volonté de le faire même s'il faut surmonter des différences, notamment sur le rôle de la médecine générale. Les centrales polycatégorielles n'ont pas nécessairement la même vision que les organisations monocatégorielles.
Et sur la méthode d'action, je n'appellerai pas, par exemple, au déconventionnement car c'est irréalisable. Les médecins n'iront pas jusque-là car ils sont censés assurer un accès aux soins à toute la population.
En décembre, vous passerez la main à la tête du syndicat. Des regrets ?
J'ai réussi à apaiser les troupes. Mais je n'ai pas su attirer les jeunes médecins, c'est mon plus grand regret. Les jeunes confrères préfèrent davantage les réseaux sociaux où on trouve des gens qui n'ont pas de culture syndicale. Je pense que, dans l'avenir, cela pourrait changer mais il faudra leur proposer autre chose.
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