Le lobbying des biologistes aurait-il payé ? On est tenté de le croire depuis que l’on a appris que le gouvernement (voir le Quotidien du 2 mars) a accepté que l’alinéa 7 de l’article 20 de la loi, autorisant l’ouverture totale du capital des sociétés exploitant un laboratoire d’analyses médicales, soit retiré du projet initial. Il est vrai que la pression sur la ministre de la santé était forte. Plusieurs amendements déposés par des personnalités de l’UMP, et acceptés par la commission des affaires sociales de l’Assemblée, demandaient le retrait de cette disposition, voire même de l’ensemble de l'article 20 qui prévoit la réforme de la biologie par ordonnance. Le gouvernement n’a pas voulu courir le risque d’un désaveu mais surtout souhaitait que le principe même d’une réforme de ce secteur d’activité ne soit pas rejeté par les parlementaires. Un accord a donc été conclu entre la ministre et sa majorité sur le retrait de cet alinéa très controversé, en échange du vote de l’article 20.
Il reste que les biologistes restent méfiants. La Cour européenne de justice a été saisie par la commission de Bruxelles (Voir le Quotidien du 2 février 2009) qui reproche précisément à la France sa réglementation qui limite notamment à 25 % la participation des capitaux extérieurs à la profession dans les sociétés de laboratoires d’analyses médicales. Le verdict des juges européens ne sera pas rendu avant le deuxième semestre 2010, et encore, ce qui laisse à la profession et au gouvernement le temps de se mettre d’accord et de plaider leur cause auprès des autorités européennes. Pour autant, une réforme de la biologie, dont la législation date de 1975, pourra être élaborée et ne sera pas reportée sine die comme le gouvernement pouvait le craindre, si d’aventure les députés avaient voté la suppression de l’article 20 du projet de loi Bachelot.
L’Elysée attentif.
Les biologistes libéraux, qui ont mis en place un intersyndicat pour « défendre, affirment-ils l’indépendance de leur profession » et lutter contre « l’arrivée massive de financiers et d’investisseurs » se félicitent évidemment de la décision du gouvernement de rayer de son texte l’alinéa contesté. Mais, pour autant, commente le Dr Claude Cohen, président du syndicat national des médecins biologistes, « rien n’est acquis, et tout danger d’un financement des laboratoires par des investisseurs dont le but essentiel sera économique et non pas de santé publique, est loin d’être complètement exclu ». Et le Dr Cohen de mettre en parallèle la crise économique actuelle, ses faillites, ses dérives, et les appétits de certains spéculateurs. « Heureusement, le gouvernement, poursuit le Dr Cohen, a pris conscience du danger ».
Du côté des investisseurs précisement et notamment de la société LABCO qui a déjà fédéré plus d’une centaine de laboratoires en France et qui est bien implantée dans de nombreux pays européens, on ne s’affirme pas déçus de la décision de la ministre de la santé. « Il est bien, dit ainsi son président, le Dr Eric Souètre, que le Parlement ne bloque pas une réforme de la biologie qui s’impose, que soit mise en place une réelle accréditation des laboratoires et que soit réformé leur mode de fonctionnement avec notamment la possibilité pour un laboratoire de possèder plusieurs sites dans un territoire de santé donné ». Mais il est regrettable, poursuit-il, que dans le même temps, on ne leur donne pas « la possibilité d’un financement et d’obtenir des investissements indispensables à leur développement. Mais cela viendra après la décision de la Cour européenne de Justice. C’est inéluctable ».
Une assurance qui n'est évidemment pas partagée par tous les biologistes.
Mais déjà la seconde étape est lancée avec la rédaction de l’ordonnance et l’élaboration de la réforme. Des discussions qui sont suivies de très près par l’Élysée et qui font l’objet d’échanges poussés entre le ministère de la santé et les services du Premier Ministre.
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