Visiblement, le directeur général de l'Assurance-maladie a déjà un plan assez précis des têtes de chapitre de la prochaine convention médicale pour laquelle les négociations vont s'ouvrir à l'automne. C'est au 9e congrès de MG France, qui se tient depuis hier et jusqu'à ce soir à Dijon, que le patron de la Cnam a dévoilé les premières pistes, en présence aussi des présidents des principaux autres syndicats de médecins libéraux (la CSMF, la FMF et Avenir Spé) que le syndicat monocatégoriel avait invités.
Creux démographique
En attendant la lettre de cadrage politique de cette négociation par le ou la prochaine ministre de la Santé, Thomas Fatôme voit déjà quatre objectifs principaux pour la convention 2023-2028 qui va s'inscrire dans le contexte du creux de la vague de la démographique médicale. « Le premier objectif va être de libérer du temps médical et de donner aux médecins traitants et aux autres spécialistes davantage de capacité à répondre aux besoins de soins, a expliqué Thomas Fatôme. Cela ne veut pas dire leur demander de travailler plus mais leur donner des appuis supplémentaires ».
Allusion aux infirmières de pratique avancée (IPA) avec lesquelles la Cnam négocie actuellement afin de trouver un modèle économique viable — ce qui n'est pas le cas aujourd'hui — mais allusion aussi aux assistants médicaux. Un dispositif que la Cnam est prête à assouplir, maintenant que la preuve a été faite qu'il permet d'accroître l'activité des médecins. « Le modèle est plébiscité et il permet d’augmenter la patientèle des médecins traitants, a souligné samedi matin Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à l'organisation des soins de la Cnam. Nous allons probablement lever des verrous tout en gardant des objectifs. »
Soins non programmés : bilan de l'avenant 9 en vue
La Cnam veut également travailler sur la « réduction des inégalités territoriales de santé », préoccupation forte de MG France, avec là encore quelques pistes : trouver la bonne place de la téléconsultation, qui a explosé pendant la crise sanitaire, encourager les spécialistes à exercer aussi en dehors de leur cabinet principal et enfin simplifier les dispositifs d'incitations démographiques, même si ces derniers « ne sont pas forcément l'alpha et l'oméga pour lutter contre les déserts médicaux », a admis Thomas Fatôme.
Alors qu'on attend ce mardi les conclusions de la mission flash de François Braun sur les urgences et les soins non programmés, ces derniers seront un sujet incontournable, et sans doute un point dur au regard des enjeux financiers, dans le cadre de la prochaine convention, et même sans doute avant. « Nous aurons à faire le bilan de l'avenant 9 (avenant de juillet 2020 qui a posé les briques du service d'accès aux soins, NDLR), a admis le directeur général de la Cnam. Nous devrons aussi intégrer les mesures qui s'annoncent pour répondre à l'accès aux soins dès cet été. Mais nous disons aussi que la prise en charge des soins non programmés ne peut marcher qu'avec une régulation efficace, un partage de la disponibilité des professionnels et une effection correctement rémunérée. »
Majoration MCU et horaires de la PDS
Une manière diplomatique de mettre le holà à un éventuel accès open bar aux soins non programmés (SNP) en ville qui ont vocation a être revalorisés. En soi, la régulation n'est d'ailleurs pas contestée par MG France. « Il faut répondre aux besoins de soins et non à la demande de soins, a résumé la Dr Agnès Giannotti, première vice-présidente de MG France. Faisons attention aux possibles effets pervers dans la prochaine convention : il ne faut pas que les soins non programmés soient valorisés de façon déséquilibrée par rapport au reste des soins. Pas question non plus que s'ouvrent des centres de soins non programmés qui feraient leur beurre sur ce segment de l'activité de la médecine générale ».
Parmi les pistes à l'étude de la mission Braun figurent, en effet, la possibilité de cotation pour les généralistes de la majoration MCU (15 euros) pour les patients régulés par le service d'accès aux soins (SAS), mais aussi l’extension des horaires de la permanence des soins (PDS-A) aux samedis matin voire au début de soirée (entre 18 et 20 heures), ce qui entraîne des honoraires majorés. Cette dernière hypothèse, par son coût financier et l'effet d'entraînement qu'elle pourrait avoir sur les revendications des hospitaliers, semble à ce stade plutôt compromise.
Cause commune
De son côté, le Dr Patrick Gasser, président d’Avenir Spé, a appelé à revoir le modèle économique des consultations. « Nous sommes plusieurs à porter des niveaux de consultations différents à condition que les référentiels soient simples », a plaidé le gastroentérologue. « Nous sommes attachés au paiement à l'acte et à la hiérarchie des consultations », a abondé le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, rappelant que les syndicats de médecins libéraux sont prêts à faire cause commune sur beaucoup de sujets. « Cette prochaine convention va marquer un tournant, anticipe la Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF. Elle devra aussi faire en sorte de remettre l'hôpital à sa place qui est celle du troisième recours ».
Le dernier objectif de l'Assurance-maladie pour la prochaine convention couvre le champ de la santé publique et semble plutôt consensuel. « Nous avons commencé à faire le bilan de la Rosp (rémunération sur objectifs de santé publique), a encore annoncé Thomas Fatôme. Et nous sommes tout à fait prêts à la faire évoluer et peut-être à mobiliser d'autres leviers. »
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