Ils sont les blouses blanches de nos tribunaux. Utiles dans toutes les juridictions et à tous les niveaux de procédure, les médecins experts judiciaires sont désignés par le juge ou une partie au procès pour apporter un avis nécessaire au rendu de la décision de justice. Qu’il s’agisse d’évaluer la responsabilité de l’auteur d’une infraction, les dommages subis par une victime ou encore l’adéquation au milieu carcéral d’un prévenu, leur rôle est souvent clé pour les magistrats.
Au pénal, une expertise est sollicitée presque systématiquement, depuis les cas de violence ordinaire jusqu’aux homicides et aux faits de terrorisme. Au civil, l’avis d’un médecin est demandé principalement pour évaluer les dommages subis par une victime dans le but de fixer une juste indemnisation. Plus marginalement, leurs missions peuvent concerner la mise sous protection juridique (tutelle ou curatelle) d’un adulte vulnérable et les affaires familiales.
Contrairement aux idées reçues et même s’ils composent l’essentiel de ce corps de métier, les psychiatres ne sont pas les seuls spécialistes à pouvoir pratiquer l’expertise. De la cardiologie à la chirurgie en passant par la pneumologie, toutes les spécialités intéressent les cours d’appel.
Une majorité d’hospitaliers
Car pour être invité à réaliser une expertise, le médecin doit être inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel. Pour cela, rien de plus simple, il doit en faire la demande auprès du procureur de la République avant le 1er mars de chaque année. Le praticien est alors uniquement tenu de fournir un extrait de casier judiciaire et faire preuve de sa compétence et de sa motivation. Une liste nationale existe également auprès de la cour de cassation. Il est aussi possible de commencer à pratiquer l’expertise en dehors de cette procédure en prêtant serment après avoir manifesté son intérêt auprès du procureur.
L’expertise est une surspécialité très facile d’accès : aucune formation particulière n’est demandée aux médecins qui souhaitent pratiquer. Il existe toutefois plusieurs diplômes proposant une qualification en droit de l’expertise médico-légale.
Au pénal, le corps des experts psychiatres est composé à 70 % de praticiens hospitaliers, autorisés depuis 2005 à consacrer une journée par semaine à cette pratique. La rémunération de l’expertise se fonde sur un tarif fixé par la loi. En psychiatrie, il est de 312 euros pour un médecin salarié et 429 euros pour un libéral. En cas d’expertise complexe, une possibilité de dépassement d’honoraires dans la limite de 750 euros est proposée aux libéraux.
Une pénurie préoccupante
Malgré la richesse du métier, le nombre de médecins experts judiciaires est en diminution depuis plusieurs années et le ministère de la Justice aimerait bien susciter des vocations, notamment en matière pénale. Entre 2007 et 2021, les psychiatres inscrits sur les listes des cours d’appel sont passés de 800 à 350. Dans le même temps, le nombre d’expertises psychiatriques réalisées augmente. Plus de 49 000 ont été requises en 2020.
Un rapport sénatorial de mars 2021 s’inquiète de cet effet ciseau et dénonce l’inaction de la place Vendôme : « l’attrition progressive du vivier des professionnels dédiés à l’expertise fait planer sur le bon accomplissement des missions de l’autorité judiciaire une menace dont les experts ont pris la mesure, mais ni eux-mêmes, ni surtout le ministère de la Justice, ne paraissent suffisamment mobilisés pour la régler ».
Pour le Dr Roland Coutanceau, président du Syndicat national des experts psychiatres et psychologues (SNEPP), le métier pâtit d’une « image un peu triste et misérabiliste ». « Pendant un temps, on était mal payés et pas toujours très bien reçus dans les maisons d’arrêt alors que cette activité est chronophage », se souvient le psychiatre des hôpitaux.
Expert depuis 30 ans à Paris et près la cour de cassation, le Dr Roland Coutanceau ne se lasse pas de son métier qu’il juge toujours aussi « passionnant intellectuellement ». « L’expertise est un fleuron du diagnostic en médecine qu’on ne retrouve pas en cabinet ou à l’hôpital », vante-t-il pour encourager ses confrères à le rejoindre.
Exergue : Entre 2007 et 2021, les psychiatres inscrits sur les listes des cours d’appel sont passés de 800 à 350
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