Déployé à partir de 2019, le plan de transformation « Ma Santé 2022 » s'est traduit en médecine de ville par plusieurs réformes visant à réorganiser l'offre de soins et à libérer du temps médical. Dans le cadre fixé par l'exécutif – priorité à l'exercice coordonné et au travail en équipe, fin du modèle du cabinet en solo – l'Assurance-maladie a utilisé les accords conventionnels mono et pluriprofessionnels pour flécher ses financements vers ces formes d'exercice collectif, au risque parfois d'agacer les syndicats.
À l'heure du premier bilan et alors que l'élaboration de la nouvelle convention médicale est déjà dans les esprits, le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, auditionné par la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, a affiché son ambition « d'amplifier » les chantiers engagés, avec la même feuille de route.
5 000 généralistes en MSP
Le déploiement des structures d'organisation collectives et pluripro (maisons de santé, centres de santé, CPTS) reste la priorité pour favoriser l'exercice coordonné et structurer les soins de premier recours face à l'hôpital. Même si l'onde de choc du Covid a parfois freiné la concrétisation de certains projets, le DG de la Cnam constate une dynamique « très significative ». Près de 1 470 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) étaient adhérentes à l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI) au 31 janvier, soit un budget de 72 millions d'euros pour la Sécu. Cela concerne « près de 5 000 généralistes et 17 500 autres professionnels libéraux ».
L'effort financier se poursuit aujourd'hui en ce sens. La Cnam vient d'augmenter de 25 % le budget alloué dans le cadre d'un avenant MSP soumis aux syndicats. « On veut soutenir les actions dans la qualité, la prise en charge de parcours de soins et des soins non programmés », assume Thomas Fatôme. Les centres de santé ne sont pas oubliés : un accord est en cours de négociation avec « un soutien financier du même ordre de grandeur ».
CPTS, un tiers de la population couverte
La même volonté est affichée pour les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Avec 241 contrats signés mais 700 projets en cours, « ces collectifs libéraux couvrent aujourd'hui un tiers de la population », insiste le DG. « Ce maillage territorial a certes pris du retard, reconnaît le patron de la Cnam. Mais l'accord signé majoritairement en décembre dernier permettra de soutenir la dynamique de ces communautés et ce, dès leur création ». De fait, l'augmentation « très significative » des dotations – pouvant aller jusqu'à 580 000 euros pour les communautés les plus vastes – traduit la volonté de l'Assurance-maladie d'accélérer leur implantation, y compris pour déployer les nouvelles missions (réponse aux crises sanitaires graves, consultations imprévues).
Alors que ces modèles juridiques sont jugés trop rigides par une partie de la profession, la Cnam joue désormais sur plusieurs tableaux. Dès cette année, elle souhaite lancer des expérimentations de financement direct des équipes de soins primaires (ESP) et spécialisés (ESS) et même tester les équipes de soins coordonnées autour du patient (ESCAP), une forme encore plus « souple et légère » revendiquée par l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS).
2 700 contrats d'assistants
Autre accélération souhaitée : le recrutement d'assistants médicaux. Ce nouveau métier, entre secrétaire médicale, infirmière et aide-soignant vise, selon le profil, à libérer les médecins de tâches non directement liées aux soins, notamment administratives. Alors que l'exécutif visait 4 000 postes dès 2022, « on est à 2 700 contrats signés », précise le DG de la Cnam. « Chaque semaine, on a environ 50 généralistes et spécialistes qui rentrent dans le dispositif, relève-t-il. Ce mécanisme revient à 500 000 patients qui trouvent un médecin traitant ».
Un mouvement que la Sécu espère amplifier. Au-delà des efforts pour sensibiliser les médecins spécialistes aux assistants médicaux, la caisse entend lever deux freins : « la peur de l'embauche » et l'inadaptation des locaux pour accueillir un assistant. Thomas Fatôme remettra donc « ce sujet en discussion sur la table des négociations conventionnelles médicale à l'automne 2022 » pour revoir certains paramètres de financement.
IPA et pharmaciens en renfort ?
Déjà très présente, la problématique des délégations de tâches et des nouvelles compétences devrait continuer à prendre de l'ampleur. L'Assurance-maladie finance déjà à 100 % le déploiement des infirmiers Asalée (Action de santé libérale en équipe) au sein des cabinets généralistes pour le suivi de patients chroniques, sur protocole de coopération. « Le dispositif connaît une forte dynamique, dit-il. 1 400 infirmiers Asalée ont été embauchés en 2021 contre 300 en 2018 ». En revanche, le chantier de la pratique avancée infirmière peine a décoller en ville, avec seulement 110 « IPA » exerçant à titre libéral. La Cnam a engagé en janvier des négociations avec les syndicats d'infirmiers pour améliorer les conditions financières de cette activité libérale.
Tirant les leçons de la crise, l'Assurance-maladie mise enfin sur l'élargissement des compétences officinales, à la faveur de la négociation de la nouvelle convention pharmaceutique. « Nouveaux dépistages » à l'officine (cancers colorectaux et cystites), « vaccination élargie », entretiens courts, « pharmacien correspondant » – permettant de renouveler périodiquement un traitement chronique ou d’adapter les posologies : autant de sujets dans les tuyaux, qui supposeront « le retour d'information aux médecins ».
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