C'est une petite musique qui monte dans la profession. Dans ce contexte exceptionnel où l’activité médicale libérale a été plusieurs semaines au ralenti, voire à l'arrêt, la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) en fait-elle assez pour soutenir le corps médical ?
Après d'autres, le Syndicat national des cardiologues libéraux (SNC) juge que la réponse est clairement non. « La CARMF reste sourde face aux nombreuses demandes des médecins libéraux, qui la sollicitent pour le versement d’une aide exceptionnelle permettant à ses cotisants de traverser cette difficile crise liée au Covid19 », s'agace le Dr Marc Villaceque, président du SNC. Il réclame une aide financière directe et un report de cotisations « qui ne sauraient être inférieurs à ceux appliqués par la caisse de retraite des chirurgiens-dentistes, c’est-à-dire l’attribution rapide de 4 500 euros à chacun de ses allocataires et un ajournement de six mois des cotisations ».
Ce mercredi encore, les allergologues français, eux-aussi, se disent « incrédules et agacés » face à l'attitude de la CARMF et lui demandent également une aide immédiate de 4 500 euros.
Des réserves qui font rêver
Le 5 mai déjà, la CSMF avait adressé la même supplique. « Pourquoi la CARMF, dont les réserves sont excédentaires (de l'ordre de 7 milliards) et qui appartiennent à tous les médecins, ne fait-elle pas la même opération ? », grondait le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la centrale polycatégorielle.
La Fédération des médecins de France (FMF) n'est pas en reste. « Il y a une forte demande de nos adhérents. Au lieu de suspendre les cotisations retraite, la CARMF pourrait déjà supprimer deux mois de cotisations. Il faudra aller puiser l'argent dans les réserves », prescrit le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF.
MG France et le SML prudents
De leur côté, le SML et MG France restent réservés sur l'opportunité d'utiliser des ressources censées financer les retraites demain dans un contexte déjà incertain. « Ce serait bien d'avoir un geste de la CARMF. Mais il faut aussi connaître et mesurer les conséquences sur les réserves et les futures pensions », avertit le Dr Philippe Vermesch, président du SML.
MG France prévient que la demande de certains syndicats de s'aligner sur la caisse des dentistes (aide de 4500 euros, cotisations suspendues 6 mois) représenterait un coût élevé pour la caisse de retraite des médecins et une plongée dans l'inconnu. « L'argent de la CARMF est celui de la profession. Je ne trouve pas logique que la CARMF doive compenser la perte de recettes. Si la caisse accède à cette demande, qui va payer après ? », s'interroge le Dr Jacques Battistoni, président de MG France.
Suspension n'est pas suppression
Confronté à ce débat, le Dr Thierry Lardenois, président de la CARMF, ne mâche pas ses mots. « La CARMF sait ce qu’elle a à faire ! Et au regard de ce qu’elle a déjà fait pour la profession, c’est une démagogie ignoble à laquelle je ne préfère même pas répondre », déclare-t-il en préambule ce mercredi au « Quotidien ».
De fait, la CARMF a pris rapidement diverses mesures pour soutenir ses affiliés exposés à l'épidémie de Covid-19 : suspension des prélèvements automatiques mensuels pour les cotisations 2020 sur deux mois (avril et mai), suspension du calcul des majorations de retard pour les cotisations 2020 pendant deux mois ; prise en charge des médecins libéraux malades du Covid-19 ou en situation fragile (grossesse, pathologies à risque) dès le premier jour d'arrêt et pendant toute la durée de l'interruption d'activité liée au Covid-19, avec le versement d'indemnités journalières variables de 67 à 135 euros par jour (s'ajoutant aux 112 euros de l'assurance-maladie). Et le 24 avril, le bureau de la CARMF a proposé au ministre de la Santé « des modalités de prise en charge d’une partie des cotisations avec maintien des droits ».
La CARMF étudie des hypothèses
Est-ce trop peu ? Le débat risque de durer, surtout si l'activité médicale ne reprend que progressivement. « Si la CARMF accède à la demande de s'aligner sur la caisse de retraite des chirurgiens-dentistes, cela coûterait 490 millions d’euros , calcule son président Thierry Lardenois. Il n’est pas possible d’aller puiser cet argent dans nos réserves qui sont des provisions techniques attribuées aux retraités. Ou alors il faudrait multiplier par deux les cotisations de l'année prochaine. Nous ferons ce que nous estimons devoir faire tout en préservant la caisse, son fonctionnement et son équilibre technique. » Le généraliste de Moselle reconnaît néanmoins que « la CARMF étudie des possibilités et communiquera le temps venu sur ce qu’elle pourra donner ».
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