Alors qu’une forte mobilisation contre la réforme des retraites devait démarrer jeudi 5 décembre, les syndicats de médecins libéraux sont ressortis inquiets de leur seconde réunion de concertation avec le Haut-commissariat aux retraites (HCR), qui se tenait mardi. Selon de nouvelles simulations, les pensions des praticiens de ville devraient baisser significativement avec l'entrée en vigueur de la réforme, de 8 % à 20 % pour la grande majorité des médecins libéraux en fonction de leur date d'entrée en activité.
Début novembre, Jean-Paul Delevoye s’était employé à rassurer la profession en présentant de premières simulations selon lesquelles l'impact de la réforme des retraites serait nettement moins important qu'avancé par la profession, qui craint une chute d'environ 30 % du montant des pensions des médecins. Ceux-ci avaient alors souligné que les projections du HCR ne prenaient pas suffisamment en compte les spécificités de leur carrière et en avaient donc réclamé de nouvelles.
Ce vœu a été exaucé mardi par le Haut-commissariat, qui a présenté de nouvelles projections pour un médecin de secteur 1 démarrant un exercice libéral en 2025 (date d'entrée en vigueur de la réforme), qui cotiserait trente ans et percevrait un revenu de deux PASS (plafonds annuels de sécurité sociale) tout au long de sa carrière, soit environ 80 000 euros par an, ce que perçoivent peu ou prou la majorité des médecins généralistes.
Toujours un décalage entre les projections
Alors que les projections de la première séance (qui portaient sur une durée de cotisation de 43 ans) prévoyaient pour un tel médecin une baisse de 2 % du montant de sa pension avec la période de transition (période entre 2025 et 2040 au cours de laquelle le taux de cotisation restera supérieur au taux unique visé de 28,12 %), cette baisse serait de 8,7 % selon les simulations actualisées, que Le Généraliste s'est procurées. Et pour un médecin qui commencerait l'exercice libéral en 2040 (date de fin de la période de transition), la diminution de la pension ne serait plus de 11 % mais de 20 %.
Malgré cette actualisation, un grand décalage subsiste entre les projections du HCR et celles de la profession. « Nous continuons à être extrêmement inquiets au sujet de ce nouveau régime de retraite, confie le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. On voit bien qu'il y aura une baisse des pensions. Selon le HCR, elle sera inférieure à nos projections, mais cela demande à être vérifié par nos experts. » Une vérification qui n'aura malheureusement pas pu être effectuée avant la réunion, les syndicats n'ayant, comme la première fois, pas reçu les documents du HCR en amont de la réunion.
Pour le Dr Olivier Petit, en charge de la question des retraites à la FMF, l'explication est simple. « Les calculs faits par les actuaires sont forcément justes, mais les paramètres choisis par les uns et par les autres étant différents, les résultats le sont aussi. Nous ne sommes pas partis des mêmes bases », explique-t-il.
L'avenir des réserves encore flou
Pas rassurés par les nouvelles projections, les médecins libéraux ne l'ont pas non plus été non par les discussions sur l’avenir des réserves de la Carmf (environ 7 milliards d’euros) — même si le HCR indique qu'elles « resteront la propriété des caisses/professions » —, ni celles sur la future gouvernance du régime universel. Ces deux points ne sont en effet pas encore réglés alors qu'il ne reste plus qu'une réunion de programmée, le 7 janvier, avec le HCR.
« Il n'y a pas d'engagement à ce que les médecins soient représentés dans la gouvernance, remarque le Dr Vermesch, président du SML. C’est un casus belli, il faut absolument que nous soyons représentés ! »
Les médecins vont-ils rejoindre les contestataires ?
D'ici la réunion du 7 janvier, les grands principes de la réforme auront été fixés par Jean-Paul Delevoye et Édouard Philippe, qui doivent faire des annonces en début de semaine prochaine. Selon le Dr Olivier Petit, le régime universel s'appliquera bien à tous les revenus inférieurs à 3 PASS (environ 120 000 euros) alors que les médecins souhaitaient le limiter à ceux inférieurs à 1 PASS (environ 40 000 euros).
Agacé de « l'enfumage » du gouvernement sur le sujet, le SML a d'ores et déjà prévenu qu'il pourrait s’opposer à toute réforme inadaptée aux médecins libéraux. « Le 7 janvier sera la réunion de la dernière chance », prévient quant à lui le Dr Jean-Paul Ortiz. Si rien n'évolue, les syndicats de médecins pourraient donc rejoindre les rangs des contestataires.
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre