LE QUOTIDIEN : Vous venez d’être réélue à la présidence de l’Ordre des kinésithérapeutes. Quels dossiers souhaitez-vous pousser durant les trois ans de cette nouvelle mandature ?
PASCALE MATHIEU : En premier lieu, l’accès aux soins de la population. C’est la préoccupation de tous les Ordres des professions de santé. Malgré toutes les réformes, ça n’avance pas. Nous devons tous nous mettre autour de la table, les Ordres, mais aussi les syndicats pour voir comment améliorer les choses. En ce qui concerne les kinés, nous constatons avec plaisir que beaucoup de professions de santé voient leurs champs d’action évoluer. Je pense aux pharmaciens, aux sages-femmes, aux infirmiers. Mais dans toutes les professions de santé, vous ne voyez jamais rien sur la rééducation. La kinésithérapie n’apparaît pas dans les politiques publiques de santé. Nous sommes des acteurs insuffisamment considérés dans le champ de la santé.
Pour autant, la question de l’accès direct des patients aux kinés ne risque-t-elle pas de crisper les médecins comme cela a été le cas cet été avec un décret [toujours en attente de signature, NDLR] prévoyant d’ouvrir cette possibilité aux infirmiers en pratique avancée ?
Ce qui a braqué les médecins, c’était que beaucoup de dispositions relatives aux IPA concernaient des actes dévolus aux médecins. L’accès direct des kinés, ce n’est que pour faire de la kinésithérapie. Là est la vraie différence. Nous sommes dans notre champ d’action et de compétences. L’accès direct est à compétence constante, on ne gagne pas de nouvelles compétences de diagnostic médical. Nous disons juste aux patients : vous pouvez venir nous voir directement. Nous avons la compétence pour faire un bilan et les orienter en disant : “Là, vous ne relevez pas de la rééducation directement, vous devez aller chez le médecin. ”
Vous êtes une fervente partisane de l’exercice en maison de santé pluridisciplinaire et alertez sur la présence, parfois, de « charlatans ». Qui visez-vous ?
Le travail en équipe au sein d’une maison de santé est véritablement l’idéal. On met en commun des moyens de secrétariat, de coordination. Mais il faudrait bannir de ces maisons de santé tous les charlatans qui y officient. Quand je dis charlatan, c’est au sens juridique du terme. On peine à ouvrir des MSP dans des déserts médicaux et on y met des étiothérapeutes, des gens qui travaillent sur des chakras et des activités psychologisantes qui me paraissent extrêmement dangereuses. Je pense qu’il nous faut un texte de loi très clair interdisant la présence de non professionnels de santé dans les MSP, à l’exclusion des psychologues qui y ont toute leur place. Quant aux ostéopathes, je pense qu’ils n’ont rien à faire dans les maisons de santé. C’est une profession de bien-être. L’Ordre des médecins interdit d’ailleurs aux médecins de s’installer avec eux.
À propos de texte de loi, l’Ordre travaille à une proposition de loi (PPL) prévoyant de changer le nom de la profession en abandonnant le terme de « masseur ». Où en êtes-vous ?
L’évolution des connaissances scientifiques montre que le massage est quelque chose d’intéressant, mais ce n’est pas un traitement en soi. Nous ne sommes pas que des masseurs, nous avons bien d’autres cordes à notre arc. Par ailleurs, dans ce texte de loi, nous voulons y intégrer les questions de formation initiale. Nous sommes une profession qui paie ses études très chères. Ça peut aller jusqu’à 12 000 euros par an en formation privée. Ensuite, nous souhaitons rendre les activités de recherche universitaire en kinésithérapie plus aisées. Par exemple avec un statut de bi-appartenant qui permettrait de mener de front recherche et activité clinique, ce qui n’est pas possible aujourd’hui. Pour moi, c’est un texte qui doit être transpartisan et qui ne doit pas se voir approprié par un groupe politique plutôt qu’un autre.
Cette PPL ne risque-t-elle pas de faire doublon avec celle du député (Liot) des Vosges Stéphane Viry, travaillée avec le syndicat des kinés, la FFMKR, et qui propose l'accès direct aux cabinets de kinésithérapeutes et l'élargissement de leur droit de prescription ?
Cette proposition de loi, qui a été vue par un syndicat tout seul*, n’est pas la voie que nous voulons mener. C’est une très bonne initiative mais je pense qu’il serait bien plus efficace que toute la profession travaille ensemble, en concertation.
Pas de concertation ? La FFMKR s’insurge
La Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR) tient à apporter cette précision, à la lecture des propos de Pascale Mathieu. « Nous nous devons de vous préciser que cette proposition de loi (portée par le député Stéphane Viry) a certes été travaillée à l'initiative de la FFMKR, mais l'ensemble des organisations représentatives de la profession (FFMKR, SNMKR et Alizé) ont été consultées par le député Viry. Il y a donc eu concertation des syndicats, seules organisations disposant de la compétence pour porter des mesures politiques auprès des parlementaires. Pour preuve, ces trois organisations (plus la FNEK, organisation étudiante) viennent de signer une tribune en soutien à la proposition de loi de Stéphane Viry. »
Aide médicale d’État (AME) : dans un centre de PMI en première ligne, deux sénateurs prennent le pouls du terrain
Un partenariat Doctolib/Afflelou ? Les ophtalmos libéraux ne font pas « tchin-tchin »
Enquête sur les restes à charge « invisibles » : 1 500 euros par an et par personne, alerte France Assos Santé
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins