Nettement moins affectée par les déserts médicaux que d’autres départements ruraux, la Meuse a su anticiper très tôt la baisse de la démographie médicale, qui y est aujourd’hui stabilisée, et même en légère progression. Mais les professionnels de santé, très investis, ne se contentent pas de cette situation et lancent avec le département une vaste campagne pour attirer de nouveaux soignants, avec pour slogan « Installe toi en Meuse ».
Avec 30 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) pour 188 200 habitants, la Meuse détient la palme nationale de la plus forte densité de MSP par habitant. Un pari lancé dès 2007 et qui porte aujourd’hui ses fruits, souligne le Dr Olivier Bouchy, généraliste à Revigny-sur-Ornain et président de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) du Barrois. Cette première CPTS, au sud du département, a été complétée en 2022 par la création de la CPTS du Nord-meusien.
En tant que maître de stage, j’ai été à l’origine de trois installations dans cette commune de 840 habitants, qui compte aujourd’hui plus de médecins qu’il y a dix ans
Dr Jean-Marie Hubert, généraliste à Spincourt
Au-delà du tissu des MSP, les médecins estiment que la clé du succès passe par les généralistes maîtres de stage, dont les internes ont souvent tendance ensuite à s’installer près d’eux. Le Dr Jean-Marie Hubert, installé en 2016 dans la MSP de Spincourt, en offre une parfaite illustration : « En tant que maître de stage, j’ai été à l’origine de trois installations dans cette commune de 840 habitants, qui compte aujourd’hui plus de médecins qu’il y a dix ans », explique-t-il.
Le télésoin en renfort
Pour encourager ces dernières, les CPTS et les MSP jouent l’attractivité en développant des projets spécifiques. À Spincourt, ils portent sur la détection des troubles neurologiques et psychologiques chez les enfants, et la maison de santé favorise l’arrivée de praticiens « complémentaires mais pas concurrentiels » : les trois nouveaux installés s’orientent respectivement vers la gynécologie, la rhumatologie et la neurologie. De plus, elle sera bientôt dotée d’un scanner et attend une psychomotricienne et une neuropsychologue.
En outre, les professionnels de santé et les services du département ont élaboré ensemble le programme e-Meuse Santé, basé sur 29 expérimentations concernant l’accès aux soins et la prise en charge des maladies chroniques, notamment via la télémédecine et la téléexpertise, ainsi que le maintien à domicile et la prévention. 14 de ces projets fonctionnent déjà de manière régulière. De plus, e-Meuse Santé permet aux entreprises innovantes dans ces domaines d’y travailler dans un cadre administratif et financier privilégié. Coordonné depuis Bar-le-Duc, il concerne aussi la Haute Marne et la Meurthe-et-Moselle. À ces efforts s’ajoutent les avantages fiscaux liés aux zones de revitalisation rurale, mais aussi des dispositifs pour permettre aux conjoints de professionnels installés en Meuse de les y rejoindre.
Annuaire des postes à pourvoir
Développés par le département et les CPTS, le site pro-sante.meuse.fr et la campagne « Installe toi en Meuse », présentés le 12 mars à Verdun, viennent compléter ces mesures, en utilisant principalement les réseaux sociaux. Les candidats à une installation y trouvent des informations précises et pratiques sur les postes disponibles et leurs perspectives, tant en libéral qu’à l’hôpital ou dans le médico-social. « C’est l’outil qui nous manquait encore », estime le Dr Bouchy, tandis que le Dr Hubert rappelle qu’il est lui-même venu dans la Meuse « après avoir lu une fiche de présentation lors d’un salon de l’installation », et qu’il n’en aurait sans cela pas eu l’idée. À Bar-le-Duc, à Ancerville, à Dammarie-sur-Saulx, à Ligny-en-Barrois, à L'Isle-en-Rigault, huit médecins généralistes manquent à l’appel.
À ces différents outils et mécanismes s’ajoutent, selon les professionnels de santé eux-mêmes, une réelle habitude de coopérer, parfois encore plus avancée dans des communes de moins de 500 habitants, notamment en Woëvre et en Argonne, que dans des centres plus importants : « Ici, la relation humaine fonctionne vraiment », observe le président du Conseil départemental de la Meuse, Jérôme Dumont. « Alors que la démographie médicale s’effondre dans certains départements voisins, comme la Haute-Marne, elle repart dans la Meuse parce que nous avons su y créer un cadre favorable », conclut le Dr Bouchy, en rappelant que l’arrivée de nouveaux professionnels de santé dans un territoire permet d’en attirer d’autres.
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