La médecine générale n’en finit pas de se dépeupler. Et la situation risque encore de se dégrader. «Les médecins généralistes seront dans les cinq prochaines années une population en disette», a annoncé le Dr Jean-François Rault, président de la section santé publique et démographie médicale de l'Ordre, lors de la conférence de presse qui s’est tenue ce jeudi matin.
La 8e édition de L’Atlas de la démographie médicale présentée jeudi par l’Ordre des médecins confirme cette mauvaise nouvelle. Les perspectives pour la médecine générale apparaissent d’autant plus sombres que les effectifs globaux de médecins en exercice, toutes disciplines et modes d’exercices confondues, semblent au contraire se maintenir. Il y a actuellement 198 760 médecins en activité régulière inscrits au tableau de l’Ordre, soit une très légère diminution de 0,3% par rapport à 2013. Comparés à 2007, les effectifs ne bougent guère et le chiffre devrait rester quasi-stable jusqu’en 2020, si l’on en croit les projections de l’Ordre. Au final, compte tenu de l’évolution de la population, on se retrouve avec une densité médicale de 287,8 médecins pour 100 000 habitants, soit un peu moins (299,7) qu’au début 2013.
Une érosion préoccupante
Malgré cette relative bonne nouvelle, il ne faut donc pas tirer de cette vue d’ensemble trop de motifs d’optimisme. Car la médecine générale continue pour sa part de perdre des troupes. Le phénomène n’est en soi pas nouveau, mais il s’aggrave. Il était déjà mesurable au vu des statistiques publiées en avril par le ministère de la Santé. La Drees évoquant, de 2013 à 2014, une légère baisse des effectifs généralistes tous modes d’exercice confondus et même une baisse d’environ 1% chez les libéraux exclusifs. L’Ordre confirme cette érosion préoccupante, puisqu’il y aurait, selon ses données, 90 630 généralistes en exercice actuellement contre 91 390 en 2013 et que l’on devrait passer sous la barre des 90 000 l’an prochain. Parmi eux, 52 760 exercent en libéral exclusif et 6164 en exercice mixte libéral-salarié. Mais les prévisions de l’Ordre renvoient à une diminution de la part des libéraux exclusifs, qui représentent aujourd’hui autour de 60% des généralistes, mais devrait passer sous cette barre en 2020.
Au total, la profession a perdu 1% de ses effectifs en un an, selon l’Ordre et 6,5% sur les sept dernières années, la région Pays-de-Loire étant la seule à avoir enregistré une progression du nombre de ses généralistes depuis 2007. Au plus près du terrain, la situation n’est pas plus rassurante, puisque seuls 16 départements –pour l’essentiel sur la façade atlantique et en Rhône Alpes- ont enregistré une hausse des effectifs généralistes entre 2007 et 2014. A l’inverse, Paris (-21,4%), l’Aisne (- 18,1%), la Nièvre et le Val-de-Marne (- 17,9%) subissent les plus fortes baisses. Sur le plan de la densité médicale, les régions Centre, Picardie et Haute-Normandie enregistrent les plus faibles densités de médecins généralistes avec des moyennes inférieures de près de vingt points à la moyenne nationale (134,5 pour 100 000 habitants).
La profession vieillit
Le flou sur l’avenir de la médecine générale est amplifié par ces disparités géographiques importantes et par les incertitudes sur les contours exacts de la profession. La profession vieillit : les médecins de plus de 60 ans, susceptibles de dévisser leur plaque d’ici à 2020, représentant désormais 25,6% des effectifs, contre 16,3% seulement de moins de 40 ans. Certes, l’Atlas 2014 constate que « le cumul emploi-retraite est en pleine progression », près de 45% des retraités actifs exerçant la médecine générale. Mais l’Ordre souligne aussi que ces renforts « se concentrent majoritairement dans les territoires bien pourvus en médecins». «Les petites solutions ponctuelles n’apportent pas une solution générale pour répondre à cette problématique de la désertification médicale», a expliqué le Dr Patrick Bouet, président de l’Ordre des médecins.
Et puis, il y a les MEP, ces « médecins à exercice particulier » classés généralistes, mais parfois bien éloignés de la médecine générale. Cette année, l’Ordre tente d’en faire l’inventaire en estimant que près de 23 000 praticiens seraient dans cette catégorie soit un quart des médecins étiquetés généralistes. Il est probable que nombre d’entre eux n’exercent plus vraiment la médecine générale : c’est le cas par exemple des quelques 15% de MEP qui sont angéiologues ou des 6% d’allergologues. En revanche, on peut appliquer la présomption inverse pour les 63% classés médecins du sport. Mais au total, cela reste difficile à évaluer, puisque les statisticiens se sont bornés à relever les DES et capacités déclarer par ces médecins. Une confirmation en revanche, les MEP exercent majoritairement (61%) en libéral ou en exercice mixte.
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