D’après une thèse du Dr Marie Le Bars, un généraliste recevrait chaque jour en consultation une moyenne de 2 à 3 femmes victimes de violences conjugales (sur la base de 25 patients quotidiens). Le médecin généraliste est en première ligne pour la détection et la prise en charge des femmes ayant subi des actes de violence, et c’est justement l’objet de la tribune signée et publiée sur le site de l’Obs ce lundi matin par 65 médecins dont de nombreux généralistes. « Il est grand temps d’ouvrir les yeux sur ce fléau et de reconnaître le sujet des violences conjugales et sexuelles comme un enjeu de santé publique, mais aussi comme un véritable sujet médical, et à ce titre, faire en sorte qu’il bénéficie de la même attention que les actes de prévention tels la vaccination ou encore le suivi des pathologies chroniques », écrivent-ils.
Manque de formation
Une femme sur dix est victime de violences conjugales, une femme décède tous les trois jours, une femme est violée toutes les sept minutes en France. « Une femme sur dix. Pourquoi ces femmes victimes ne sont-elles pas repérées », s’interrogent les auteurs de la tribune. « Elles semblent invisibles et le plus souvent présentent un grand nombre de tableaux cliniques qui masquent les violences et leurs conséquences », soulignent les signataires qui désignent le médecin comme « personne ressource centrale », mais « insuffisamment sensibilisée, formée et mobilisée ».
Les généralistes parmi lesquels figurent notamment Gilles Lazimi, Yannick Schmitt, Mady Denantes, Eric May, Philippe Cornet, Valérie Auslender ou Laurence Wittke appellent donc leurs consœurs et confrères à « jouer un rôle majeur dans la détection et la prévention des violences ». Ils les encouragent notamment à se saisir des outils de dépistage déjà existants comme le questionnaire WAST (Woman Abuse Screening Tool). Ce type de questionnaire multiplie par 4 la détection, explique la tribune. Conformément aux récentes recommandations de la HAS sur le sujet, ils incitent aussi leurs confrères à questionner les patientes. Pour le Dr Lazimi, « On n’a des réponses qu’aux questions que l’on pose ». Le Dr Marie Le Bars renchérit : « Les femmes victimes de violences veulent qu’on leur pose la question. »
Pas de levée du secret médical
La tribune en appelle aussi aux pouvoirs publics pour accorder la possibilité aux médecins de se « former à ces outils aussi bien en formation initiale que continue » et pour financer des « dispositifs de réseaux de prise en charge coordonnée associant professionnels et associations ».
« Nous demandons que les médecins soient formés pour pouvoir interroger et accompagner les femmes, mais il ne s'agit en aucun cas de lever le secret médical », a précisé à l'AFP le Dr Gilles Lazimi, faisant notamment référence à la proposition récente des groupes de travail du Grenelle contre les violences conjugales. Hier dans le JDD, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, s’est elle aussi déclarée « favorable » à une évolution du secret médical sur ce thème.
« Le médecin doit accompagner la femme en respectant son choix, c'est elle qui doit porter plainte », souligne le Dr Lazimi. « Lever le secret médical serait rompre le lien de confiance », ajoute-t-il.
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre