De nombreux médecins affirment avoir été victimes ces dernières semaines d'insultes et de menaces d'opposants à la vaccination contre le Covid-19, notamment sur les réseaux sociaux. Le président de l'UFML-S s'est récemment ému du silence du gouvernement et de l'Ordre à ce sujet. Que lui répondez-vous ?
Dr Patrick Bouet : Les insultes et les menaces dont peuvent être victimes des médecins sont inacceptables, quelle que soit la nature de leur expression. Nous rejetons toute forme de violence à l'égard des médecins, ce n'est pas nouveau. C'est un combat de tous les jours. Nous avons déjà agi dans le cadre de procédures et nous continuerons à le faire. Concernant les faits dont vous me parlez, je n'ai pas été saisi par le Dr Marty. Le fait de dire des choses sur Twitter ne signifie pas saisir l'institution. L'Ordre est à la disposition de tous les médecins. Et il est mobilisé dès lors que les confrères lui écrivent pour signaler un certain nombre de faits. Nous sommes attentifs à la situation, entendons les doléances et sommes prêts à les accompagner dans la procédure de traitement des plaintes.
Il est tout de même question ici de menaces de mort. Qu'allez-vous faire ?
Dr P. B. : Nous avons écrit aux ministres de l'Intérieur, de la Justice et de la Santé pour leur signaler la violence qui se manifeste à l'encontre d'un certain nombre de médecins qui sont amenés à s'exprimer publiquement. Nous leur demandons d'assurer leur sécurité et de mettre en œuvre l'accueil et l'écoute de ces professionnels quand ils signalent ces faits et portent plainte. Au même titre que nous serons à l'écoute des professionnels qui se tourneraient vers l'Ordre par voie de saisine officielle.
Cela signifie-t-il que les procédures pourraient être plus rapides qu'elles ne le sont aujourd'hui ?
Dr P. B. : Nous observons que ce phénomène de menaces dans un pseudo-anonymat sur les réseaux sociaux prend de l'ampleur. De nombreux médecins peuvent se sentir particulièrement visés par ces violences. Il appartient aux organes de l'État et à l'Ordre d'accompagner les professionnels qui se signalent officiellement auprès d'eux. Nous ne sommes pas la police de l'Internet. Nous sommes ceux qui peuvent accompagner les médecins dès lors qu'ils sont victimes de menaces ou insultes et qu'ils le signalent à leur conseil départemental ou national. Pour que nous puissions aider les médecins et diligenter les procédures, ils doivent nous signaler les faits.
L'Ordre a-t-il été saisi de menaces dont seraient particulièrement victimes les médecins ?
Dr P. B. : En dehors des signalements relevés sur Internet, les conseils départementaux et l'Ordre nationaux n'ont pas été saisis pour de tels actes. Tous les ans, l'Ordre recense les actes de violence et dans ce cadre, les médecins saisissent leur conseil départemental. Pour l'instant, il y a une confusion entre dénoncer des faits sur Internet et saisir les institutions compétentes pour agir. Comme pour tout acte de violence ou d'insécurité, le médecin doit porter plainte et saisir son conseil départemental.
Vous qui avez également défendu la vaccination des médecins contre le Covid-19, avez-vous été vous-même victime de menaces ou d'intimidations ?
Dr P. B. : J'ai reçu un certain nombre de messages ou de tweets pas toujours agréables mais je n'ai pas été l'objet de menaces spécifiques. Sans cela, j'aurais saisi les instances compétentes. Je reçois souvent des mails allusifs dans lesquels on me dit que les professionnels engagés dans la vaccination devront un jour rendre des comptes. Ce sont des comptes que je suis prêt à rendre, comme un certain nombre de confrères, car nous vaccinons dans l'intérêt de la population. Il y a des groupuscules anti-vaccination actifs et radicalisés mais ils restent rares et ne représentent qu'une infime partie de la population.
« Les médecins attendent d'être protégés par les services de l'État »
Dans le courrier qu'il a adressé aux ministres de l'Intérieur (Gérald Darmanin), de la Justice (Eric Dupond-Moretti) et de la Santé (Olivier Véran) pour les alerter des menaces « plus fréquentes et plus virulentes » dont ont été victimes des médecins libéraux de la part de mouvements anti-vaccins, le patron de l'Ordre des médecins demande au gouvernement d'agir.
« L’insécurité croissante des médecins doit retenir toute notre attention et faire l’objet de mesures d’urgence concrètes pour endiguer ce phénomène [...], estime le Dr Bouet dans cette missive. Les médecins attendent aujourd’hui d’être protégés par les services de l’État, mais aussi soutenus, accompagnés et pris en charge en cas d’agression. »
Le président du Cnom souhaite que les meilleures pistes d’actions puissent être trouvées avec les ministères concernés pour « mettre fin à ces violences inacceptables ».
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