Première des 299 victimes du pédocriminel Joël Le Scouarnec à être auditionnée par la cour criminelle du Morbihan à Vannes, O. a raconté jeudi 6 mars comment l'ex-chirurgien avait « brisé (sa) vie » en la violant à plusieurs reprises dans son lit d'hôpital lorsqu'elle avait 10 ans. « Ça fait 33 ans que j'attends ce moment », lance O. avant de laisser s'échapper des sanglots. Une profonde inspiration, et elle reprend courageusement : « Il a brisé ma vie et je veux qu'il m'entende. »
Hospitalisée en 1992 à la clinique de Loches (Indre-et-Loire) pour une appendicectomie, O. a raconté comment le chirurgien, dès le premier jour, avait demandé aux aides-soignantes de déplacer un autre patient âgé qui partageait sa chambre, afin qu'elle y reste seule. « Pendant mon séjour, ce chirurgien m'a violée plusieurs fois », raconte-t-elle, auditionnée par visioconférence en raison de problèmes de santé consécutifs, selon elle, des viols commis par l'accusé. « J'étais terrorisée. » Elle n'a que dix ans à l'époque mais sait qu’« on ne (mesure) pas la fièvre en insérant un doigt dans le vagin » et qu’« on n'écoute pas le cœur d'un malade en caressant longuement ses seins », souligne-t-elle, balayant les arguments avancés la veille encore par l'accusé, pour qui certains viols étaient des gestes « purement médicaux ».
Gouttes pour dormir
La voix vibrante d'émotions, O. décrit comment le médecin lui « a donné des gouttes en disant qu'il repasserait plus tard voir si elle dormait bien ». « Mais moi, j'essayais de pas dormir parce que je savais très bien ce qui allait se passer. » « Pas besoin de remettre en ordre mes souvenirs, ça me hante ! », insiste-t-elle. « Là je vais avoir 44 ans et depuis l’âge de 10 ans et demi ça me hante tous les jours, tous les jours. » « J'avais la sensation de ne pas pouvoir bouger, ne pas pouvoir crier… Mais je sentais très bien ses mains partout sur moi », souffle la victime.
Pendant une longue semaine, O. reste hospitalisée en raison de « complications » liées à son opération de l'appendicite. À son retour dans sa famille, elle tente de parler à ses parents de ce qu'elle a subi. « Mais personne ne m'a crue, personne ne m'a comprise. » Sombrant dans la dépression, vers l'âge de 13 ans elle demande à voir une gynécologue qui constate la rupture de l'hymen et lui demande « si (elle) fait beaucoup de sport ». « Personne ne m'a jamais demandé si j'avais subi des sévices sexuels alors que je n'attendais que ça pour pouvoir en parler », lance O.
Depuis son box, le médecin âgé de 74 ans garde un visage toujours impassible à ce récit, figé comme une statue de cire, fixant l'écran où apparaît la plaignante.
Joël Le Scouarnec encourt au maximum vingt ans de réclusion criminelle.
« Excuses » et « aveux »
Un peu plus tard, pour la première fois depuis son interpellation en 2017 après une plainte pour le viol d'une voisine de six ans, Joël Le Scouarnec reconnaît les viols par pénétration digitale dans le vagin commis sur O. sous couvert d'actes médicaux.
« J'ai été effectivement la personne qu'elle a décrite, l'être ignoble qui faisait tout ce qu'il pouvait pour entrer à plusieurs reprises dans sa chambre pour assouvir ses pulsions », lâche l'accusé.
Il lui demande « pardon » d'une voix qui se brise, renifle et semble produire quelques larmes. Puis reprend d'un ton égal: « Je n’ai gardé aucun souvenir de tout ça », soulignant n'avoir « aucune raison de mettre en doute tout ce qu’elle vient de dire ».
Des excuses sincères ? « En tout cas, il y a des excuses et des aveux », a estimé Me Louise Aubret, l'une des avocates d'O.
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique