Un cru correct avec quelques points préoccupants : le bilan annuel de la Rosp – sans doute le dernier avant la réforme programmée des rémunérations forfaitaires du médecin traitant – révèle des résultats financiers en légère hausse pour l’ensemble des praticiens éligibles mais aussi des évolutions contrastées sur les indicateurs de santé publique, avec un recul inquiétant sur la prévention. Tour d’horizon.
Rosp : 5 185 euros par généraliste (+1,4 %), 1 146 euros par pédiatre (+8,7 %)
Sur le plan comptable, le bilan général est correct sans être mirobolant. La rémunération moyenne versée au titre de la Rosp 2023 pour les médecins généralistes seuls s’affiche en légère augmentation sur un an (+1,4 %), à hauteur de 5 185 euros. Cela représente environ 70 euros supplémentaires par médecin par rapport à l’exercice précédent. Et sur le champ élargi de la Rosp du médecin traitant adulte et de l’enfant, le montant moyen versé atteint 5 425 euros par généraliste (+1,8 %). Au total, les crédits octroyés au titre de la Rosp des généralistes traitants pour le suivi de leurs patients (adultes et enfants) s’élèvent à 271,7 millions d’euros pour 2023.
Pour les 2 100 pédiatres concernés, la progression est nettement plus marquée mais sur des montants plus faibles : la prime moyenne au titre de la Rosp s’élève à 1 146 euros (+8,7 %), versus 1 054 euros un an plus tôt, soit presque 100 euros de supplément.
Et pour les autres médecins spécialistes éligibles, la Rosp progresse légèrement, à hauteur de 1 890 euros en moyenne (+2,9 %) pour les quelque 7 300 praticiens concernés : le bonus moyen atteint 2 111 euros par cardiologue (+2,1 %), 1 495 euros par gastro-entérologue (+3,6 %) et 1 597 euros par endocrinologue (+4,5 %).
De manière générale, la rémunération forfaitaire moyenne versée aux praticiens libéraux éligibles (hors centres de santé) – au titre de la Rosp mais aussi du forfait structure versé séparément (lire encadré en fin d’article) – progresse de 2,5 %. Ces deux forfaits cumulés représentent désormais 9 324 euros en moyenne pour les 51 527 généralistes concernés (+1,9 %) et 4 080 euros pour les pédiatres (+5,7 %), 3 737 euros pour les gastroentérologues, 4 307 euros pour les cardiologues et 4 426 euros pour les endocrinologues.
Santé publique : la majorité des indicateurs bien positionnés mais…
Comme en 2022, l’évolution des indicateurs cliniques de la Rosp (pour les patients adultes) se révèle hétérogène en 2023. La Cnam salue une « amélioration globale » sur les objectifs de suivi des pathologies chroniques et d’efficience des prescriptions. Mais parallèlement, un recul s’observe sur les objectifs de prévention, notamment sur la vaccination antigrippale après les années Covid.
Dans l’ensemble toutefois, sur les 25 indicateurs de la Rosp clinique médecin traitant, 18 items sont bien positionnés et sept sont mal orientés, selon le bilan de l’Assurance-maladie (tableau détaillé ci-dessous).
Suivi des pathologies chroniques : bons résultats dans le diabète
Dans le détail, sur le diabète, les trois indicateurs relatifs au dépistage de la maladie rénale chronique, aux dosages d’HbA1c et au fond d’œil progressent respectivement de 2,4 points, 2,3 points et 1,9 point.
L’item de dépistage de la maladie rénale chronique chez les patients hypertendus s’améliore nettement (+2,5 points) avec « 46 % des médecins qui dépassent l’objectif cible », se félicite la caisse.
Quant au suivi des patients à risque cardio-vasculaire, la prévention secondaire du risque CV s’améliore sensiblement ; en revanche, la surveillance des traitements par anti vitamine K continue de baisser (–1,1 point).
Prévention : des trous dans la raquette de la vaccination antigrippale
Ce n’est pas malheureusement pas une nouveauté mais plusieurs indicateurs de prévention sont mal orientés.
C’est surtout le cas de la vaccination antigrippale. Depuis la forte hausse des indicateurs grippe en 2020 – en lien avec la pandémie – les deux scores associés continuent de baisser : celui concernant les 65 ans et plus affiche désormais un niveau inférieur à celui observé 2019 (56,1 % versus 56,4 % à l’époque) et celui sur la vaccination du sujet à risque affiche de nouveau une forte baisse de 4,7 points pour s’établir à 28,9 %, un score historiquement bas !
Bilan médiocre aussi parmi les trois indicateurs de prévention du cancer : si le dépistage du cancer du col s’améliore (+1,6 point à 56,2 %), les deux autres sont en léger repli : –0,6 point sur le cancer colorectal (avec un taux de 35 %) et –0,4 point sur le cancer du sein (64,2 %).
Le bilan se révèle un peu meilleur sur les items de prévention de la iatrogénie médicamenteuse (psychotropes, traitement par benzodiazépine) qui sont stables sur un an. La prévention des patients âgés sous psychotropes s’établit à un très bon niveau avec « 45 % des médecins au-dessus de l’objectif cible », souligne la caisse. De même, les deux critères concernant l’antibiothérapie sont bien orientés (il s’agit d’indicateurs décroissants) : –0,7 point sur les 16-65 ans sans ALD et –1,9 point pour les antibiotiques générateurs d'antibiorésistance.
Efficience des prescriptions : le répertoire marque des points
S’agissant enfin des indicateurs d’efficience, le bilan est comme souvent plutôt favorable. La prescription dans le répertoire des génériques d’anti-hypertenseurs est stable (+0,1 point) et celle des autres traitements ciblés progresse de 2,4 points, soit 16,4 millions de boîtes prescrites en plus dans le répertoire. La prescription de biosimilaires (de l’insuline glargine) poursuit aussi sa bonne dynamique (+5,7 points) pour s’établir à 44,2 % de boîtes prescrites. La prescription dans le répertoire de statines demeure en revanche mal positionnée sur l’exercice 2023, en recul de 3,2 points.
Enfin, l’indicateur relatif au traitement par metformine évolue favorablement (+1,7 point), tout comme celui sur les inhibiteurs de la pompe à protons (décroissant, –1 point).
Exit la Rosp, et demain ?
Ces résultats variables vont sans aucun doute nourrir la réflexion en cours sur la refonte des rémunérations forfaitaires. De fait, dans le cadre des négociations conventionnelles en cours – actuellement suspendues – la Cnam a programmé un big bang des paiements forfaitaires, qui reste à préciser. L’objectif consiste à mettre en place un forfait médecin traitant revalorisé, simplifié, et « individualisé » selon les caractéristiques du patient, ajusté en fonction de quatre facteurs : âge, état de santé, situation sociale et parcours de prévention.
Pour instaurer ce nouveau « forfait unique » du médecin traitant, la Cnam propose de supprimer la Rosp clinique actuelle – une requête récurrente de la profession – et le forfait structure et de fusionner le tout avec un forfait patientèle réévalué. Et elle promet qu’il n’y aura aucun médecin libéral perdant. En 2022, chaque médecin traitant avait perçu en moyenne 16 000 euros de forfait patientèle médecin traitant, 5 100 euros de Rosp et 4 050 euros de forfait structure, soit près de 25 150 euros.
Forfait structure : 4 214 euros pour 2023
Les montants versés au titre du forfait structure augmentent de 3,1 % sur un an, avec un total de près de 320 millions d’euros versés, sous l’effet de l’introduction de nouveaux indicateurs rémunérés (alimentation du DMP, édition d’ordonnances numériques, usage du téléservice déclaration simplifiée de grossesse). Plus de 75 000 médecins libéraux ont ainsi perçu un montant moyen annuel de 4 214 euros.
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