Suspendues depuis le 4 avril après le boycott de cinq syndicats représentatifs (Avenir Spé-Le Bloc, MG France, UFML-S, FMF, SML), les négociations conventionnelles entre la Cnam et les syndicats de médecins libéraux vont reprendre le jeudi 16 mai.
Pour l’Assurance-maladie, cette nouvelle réunion multilatérale qui doit durer 48 heures sera bel et bien une « séance de clôture », les différents syndicats pouvant disposer au soir du 17 mai d'un texte définitif à soumettre à leurs instances internes et à leurs adhérents, a précisé la Cnam ce vendredi 3 mai.
Après six mois de discussions, la Cnam ne cache pas sa volonté d’accélérer le calendrier pour aboutir à un accord avec les médecins libéraux avant fin mai. « Beaucoup de choses sont sur la table, a rappelé Thomas Fatôme, directeur général de l’Uncam, lors d’un point presse. Compte tenu des règles qui encadrent la mise en œuvre des revalorisations tarifaires [dont un délai de six mois selon le principe de stabilisateurs économiques, NDLR], si nous voulons que les premières mesures tarifaires interviennent avant la fin de l’année 2024, il faut que la convention soit signée avant la fin du mois de mai. »
Des gages pour les généralistes
Pour accompagner cette reprise, Thomas Fatôme a adressé deux courriers aux deux syndicats majoritaires de généralistes (MG France) et de spécialistes (Avenir Spé-Le Bloc), qui avaient réclamé des engagements écrits avant de retourner à la table des négociations conventionnelles.
Dans la lettre adressée à la présidente de MG France, la Dr Agnès Giannotti, le DG de la Cnam confirme « le rôle central du médecin traitant » dans le parcours de soins et rappelle les propositions « réellement ambitieuses » déjà mises sur la table pour renforcer l’attractivité du métier. Il s’agit notamment de la revalorisation « historique par son ampleur » de la consultation à 30 euros ou encore la mise en place d’un forfait médecin traitant « simplifié et valorisé ».
Mais Thomas Fatôme est aussi prêt à faire bouger d’autres curseurs lors de cette ultime séance. Pour faciliter le recrutement des assistants médicaux, l’Assurance-maladie souhaite tenir davantage compte des situations des médecins dans la fixation des objectifs. Idem sur la simplification administrative, autre sujet sensible, la Cnam appelle les syndicats à fixer « les priorités, une méthode et un calendrier associés » car « nous ne pouvons pas nous permettre de gaspiller un temps médical précieux » . Pour les soins non programmés, la future convention devra « mettre fin aux dérives constatées » et « garantir que la prise en charge de patients au long cours par le médecin traitant soit mieux valorisée que la prise en charge ponctuelle de soins urgents ».
Évolution du périmètre de l’APC, enveloppe CCAM… pour les spécialistes
Dans l’autre courrier adressé aux coprésidents d’Avenir Spé-Le Bloc (Drs Patrick Gasser, Philippe Cuq, Bertrand de Rochambeau et Loïc Kerdiles), Thomas Fatôme a aussi apporté de nouvelles garanties.
La première est majeure : elle porte sur l’avis ponctuel de consultant (APC). Son périmètre pourrait être ajusté « dans une logique d’efficience et de pertinence des prises en charge, en lien avec le médecin traitant », peut-on lire dans la lettre. Cette nouveauté ne vient pas de nulle part. L’assouplissement des conditions de facturation de l’APC est l’une des conditions posées par Avenir Spé pour reprendre la négociation.
L’autre condition concerne une revalorisation digne de ce nom des actes médicaux techniques dans l’attente de la refonte globale de la nomenclature (CCAM). Sur ce point, Thomas Fatôme confirme qu’une revalorisation (via le coefficient de charge) interviendra en amont de la nouvelle hiérarchisation. Par ailleurs, « l’enveloppe de la CCAM sera en valeur absolue au 1er janvier 2026 et sera supérieure de plus de 40 % à l’enveloppe de référence » qui s’élevait à 7,9 milliards d’euros au 1er janvier 2016, date de la mise en place de la précédente convention médicale.
Enfin, au sujet de la réforme des contrats de maîtrise tarifaire (Optam et Optam-Co) qui fera l’objet d’un avenant conventionnel, la Cnam rappelle les deux propositions significatives déjà faites : la revalorisation des modificateurs et l’ouverture de l’Optam-Co aux anesthésistes. « Je suis prêt par ailleurs à proposer l’actualisation des périodes de référence de ces dispositifs, les rendant éligibles à des nouveaux professionnels de secteur 2 », a indiqué Thomas Fatôme. Dit autrement, le DG est favorable à une révision des critères du taux d'activité à tarif opposable. Le patron de la caisse est aussi ouvert à des « propositions complémentaires » sur la question spécifique des anesthésistes de secteur 1.
Qui sera de retour à la table ?
Dans ces deux courriers, la Cnam s’est aussi engagée à ce que « la convention apporte des réponses efficaces » « pour les situations spécifiques des territoires ultramarins et de la Corse ». Ce signal d’ouverture vers la « spécificité de l’exercice de la médecine libérale en Corse » tombe à point nommé. Ce vendredi 3 mai, 50 médecins libéraux du collectif médecins libéraux ML Corsica ont annoncé leur intention de poster leur lettre de déconventionnement dès le lendemain.
Combien de syndicats seront présents à ce round final ? C’est toute la question. Car les négociations ne peuvent se tenir sans la présence des deux syndicats majoritaires : MG France et Avenir Spé-Le Bloc.
Si MG France a déjà manifesté son intention de reprendre les discussions, Avenir Spé-Le Bloc entretient encore le suspense. Au Quotidien, son président, le Dr Patrick Gasser dit prendre acte du courrier de la Cnam. Mais droit dans ses bottes, le gastro-entérologue nantais conditionne encore sa présence à « des propositions écrites » qui seront transmises avant cette dernière séance. En tout cas, le syndicaliste rappelle que ce retour ne « changera rien » à son soutien au mouvement des cliniques privées.
Sous la houlette de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) et de son président Lamine Gharbi, le secteur privé à but lucratif a décidé de suspendre ses activités à partir du 3 juin pour protester contre la campagne tarifaire 2024. Le sort des médecins libéraux et des cliniques étant lié, la décision d’Avenir Spé est donc doublement cruciale : pour l’avenir des négociations conventionnelles ; pour le maintien d’une grève qui risque de fortement secouer le système de santé.
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