Paiement à la capitation, retour d’expérience

Le « médecin traitant renforcé » d’Ipso marque des points

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Publié le 19/04/2024
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Un premier bilan de l’expérimentation de paiement à la capitation à grande échelle dans les cabinets Ipso se révèle prometteur.

Crédit photo : Harsin / Phanie

C’est une expérimentation « article 51 » (innovation organisationnelle et financements dérogatoires) qui pourrait faire des petits. Plusieurs cabinets médicaux issus du réseau de soins primaires Ipso santé ont mis en place – avec le concours et le financement de l’Assurance-maladie – un dispositif intitulé « Médecin traitant renforcé », une approche à la capitation qui favorise la prise en charge de patients complexes.

Quatre structures sont situées à Paris intra-muros, une cinquième à Lyon. Lors du Congrès médecine générale France (CMGF 2024) a été dévoilé un premier bilan encourageant, après quatre ans d’existence, de ce dispositif dans lequel le médecin généraliste traitant se voit proposer un « forfait mensuel par patient ».

Ce forfait cumule une « part socle » (incluant les rémunérations sur objectifs – Rosp – et le FPMT ajusté au taux de fidélisation des patients) et dix « briques thématiques » (nourrisson, ALD, santé mentale, personne âgée, santé de la femme, vulnérabilité sociale, handicap, etc.) que le généraliste choisit en fonction du patient suivi. Fin janvier 2024, 36 généralistes étaient impliqués dans l’expérimentation de capitation (qui embarque aussi des sages-femmes, infirmières, assistants médicaux ou coordinateurs de cabinet) ; 23 000 patients ont déclaré un généraliste d’Ipso santé comme médecin traitant (classique), tandis que 14 400 ont choisi la formule médecin traitant renforcé (MTR) à la capitation.

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Approche préventive systématisée

Le Dr Nicolas de Chanaud a rejoint le dispositif dès son lancement et se félicite de ce modèle dérogatoire au forfait. « Pour mes consultations et une liste d’actes classiques comme un électrocardiogramme, mes patients ne payent pas », explique-t-il. En revanche, les examens ou gestes supplémentaires qui n’entrent pas dans le cadre forfaitaire – « comme une spirométrie ou une pose de stérilet » –restent facturés séparément à l’acte. Le généraliste parisien de 37 ans estime gagner « environ 20 % de plus » qu’un confrère en libéral. Autre avantage, la prise en charge forfaitaire globale, qui s’articule autour d’une équipe de soins (coordinatrice sociale, assistants médicaux, IPA, sages-femmes) autorise des consultations beaucoup plus longues (peu compatibles avec le paiement exclusif à l’acte).

De surcroît, les logiciels partagés qui intègrent automatiquement les indicateurs de prévention pour chaque patient (cardio, dentaire, dermato, infectio…) permettent de vérifier d’un coup d’œil que ces derniers sont à jour de leurs vaccins ou bilans. Une « approche préventive systématisée » qui, selon Ipso, donne de meilleurs résultats que pour les patients MT standards. En matière de dépistage du mélanome (+22 points) ou du cancer colorectal (+21 pts) par exemple, les scores d’Ipso se révèlent supérieurs aux objectifs cibles de l’Assurance-maladie. Autre avantage revendiqué de cette logique forfaitaire : les efforts de délégation (parcours d’accompagnement psy, coordination pour le suivi médico-social, ateliers d’éducation thérapeutique, etc.) se concentrent sur les patients les plus vulnérables, les plus dépendants et les plus consommants.

Enfin, le taux de « lapins » posés par les patients MTR (2,1 %) serait trois fois moindre que la moyenne nationale (6 %) estimée par l’Ordre des médecins.

Transparence

Sur le plan comptable, les médecins peuvent consulter, chaque début de mois, le montant estimé de leurs honoraires, réévalué au fur et à mesure qu’ils intègrent de nouveaux patients. « La Sécu verse mensuellement un montant par patient suivi à la structure Ipso, qui elle-même procède par rétrocession aux médecins en fonction des montants cumulés des forfaits de suivi auxquels ils ont souscrit », détaille Simon Champetier, en charge de la partie « management » d’Ipso.

L’an prochain, la Cnam devrait évaluer cette expérimentation en s’appuyant sur les résultats consolidés des centres parisiens. Sans attendre, elle vient de proposer aux médecins libéraux, dans le cadre des négociations conventionnelles, un modèle de rémunération à la capitation pour les équipes volontaires mais qui s’inspire plutôt du modèle Peps – paiement en équipe des professionnels de santé.


Source : Le Quotidien du Médecin