Quatre syndicats représentatifs sur six (CSMF, MG France, SML et FMF) ont approuvé le projet conventionnel, ce qui permet déjà de valider l’accord (avec plus de 30 % des suffrages dans chaque collège –généraliste et spécialiste). L’UFML-S a refusé ce texte, l’union syndicale Avenir Spé-Le Bloc devait dévoiler sa position ce lundi 3 juin tard dans la soirée, veille de la séance de signature programmée mardi 4 juin.
Après six mois d’âpres négociations, cet accord a été qualifié de vote de « raison » ou de « responsabilité » par plusieurs syndicats signataires. S’il semble encore loin du choc d’attractivité espéré, il apporte de l’avis général « une bouffée d’oxygène » sur le plan de la rémunération, par rapport au règlement arbitral. Florilège.
G à 30 euros, APC à 60 euros et première consultation longue
Pour emporter le vote des médecins, la Cnam a mis sur la table à elle seule 1,6 milliard d’euros pour améliorer l’attractivité de la profession. Cette enveloppe n’inclut pas l’investissement des complémentaires santé (qui devrait porter l’effort global à près de deux milliards).
Côté généralistes, le tarif de la consultation de référence (G) sera revalorisé à 30 euros dès décembre 2024. Une augmentation historique et « inédite », a plaidé le DG de la Cnam dans les colonnes du Quotidien.
Autre avancée pour les médecins traitants, la création d’une première consultation longue valorisée 60 euros pour les patients de plus de 80 ans, facturée « une fois par an », dans trois situations chronophages (sortie d’hospitalisation, déprescription pour les patients polymédiqués, orientation vers un parcours médico-social). « Une étape », a promis Marguerite Cazneuve, directrice déléguée de la Cnam lors d’un live vidéo.
Du côté des spécialistes, l’avis ponctuel de consultant (APC) sera revalorisé à 60 euros, également dès décembre prochain. L’élargissement de cette cotation APC que réclamait Avenir Spé entre spécialistes (sans passage obligatoire par le médecin traitant) a été limité aux seuls patients hospitalisés sans médecin traitant. Un groupe de travail fera des propositions l’an prochain.
D’ici à juillet 2025, des hausses ciblées revaloriseront les spécialités cliniques en bas de l’échelle des revenus comme les psychiatres, pédiatres, gynécologues médicaux, endocrinologues ou gériatres. La consultation du psychiatre passera par exemple à 57 euros.
Les actes techniques seront aussi réévalués progressivement, avec plusieurs leviers. Le projet conventionnel majore le point travail CCAM dès le premier semestre 2025 et augmente parallèlement les modificateurs (K et T) pour les praticiens concernés (chirurgiens et obstétriciens), en attendant la refonte complète de la CCAM technique (révision, hiérarchisation des 13 000 actes) qui interviendra en 2026. Le texte provisionne déjà 240 millions pour le futur avenant en ce sens. Plusieurs spécialités pourront « cumuler » à taux plein la consultation et la facturation de certains actes techniques.
Le dispositif de l’Optam et de l’Optam-Co (ouvert désormais aux anesthésistes) sera amélioré, en sus des modificateurs, par l’actualisation pour tous des années de référence (pour le calcul des dépassements autorisés).
Big bang forfaitaire et suivi par patient
Au-delà des tarifs des actes, la future convention instaure un « forfait médecin traitant » unique, simplifié et revalorisé. Ce dernier – qui se substitue donc à la Rosp et au forfait structure – sera calibré sur la complexité du patient déclaré (âge, état de santé, situation sociale, parcours de prévention). Le suivi d'un malade chronique de plus de 80 ans sera par exemple rémunéré 100 euros annuels, contre 5 euros pour un patient classique de 7 à 77 ans. Pour s’assurer que ce big bang forfaitaire ne lésera pas les médecins, une clause de sauvegarde est inscrite dans la nouvelle convention. Il n’y aura aucun médecin perdant, jure la caisse.
La Cnam mettra à disposition des médecins traitants un tableau de bord permettant de suivre, patient par patient, la consommation de soins et son parcours préventif (vaccination, dépistages, actes de biologie, etc.)
Assistants médicaux, PDS-A, ESS : des incitations plus musclées
Dans les déserts médicaux, le forfait patient médecin traitant précité sera majoré de 10 % et les aides à l'installation simplifiées et améliorées. Exit les contrats démographiques existants (Coscom, Caim et Cotram) ayant montré leurs limités, une aide forfaitaire unique et automatique de 10 000 euros est prévue en zone d’intervention prioritaire (ZIP). En ZAC (zone d’aménagement concerté), ce sera 5 000 euros.
Des rémunérations complémentaires (200 euros par demi-journée) sont prévues pour des spécialistes qui se déplacent et mènent des « consultations avancées » en zone sous-dense à tarif conventionné.
Pour inciter les médecins à embaucher les assistants médicaux, le dispositif est simplifié et les aides améliorées passant par exemple de 36 000 euros à 38 000 euros pour l’embauche d’un assistant médical à temps plein (+5 %). Une incitation financière de 400 euros par an est prévue pour la « coopération » avec une infirmière de pratique avancée (IPA).
Une autre incitation concerne la participation au service d’accès aux soins (SAS), avec une rémunération complémentaire de 1 000 euros annuels, sous conditions, créée pour les médecins qui ouvrent des créneaux pour le SAS. Sur les soins non programmés, plusieurs mesures consolident le rôle de la régulation, renforcent les rémunération des visites dans un cadre régulé et proposent à l’inverse un encadrement plus strict de la majoration des actes non régulés (afin de stopper certaines dérives).
À l’instar des équipes de soins primaires (ESP), la nouvelle convention prévoit de financer les nouvelles « équipes de soins spécialisées » (ESS), groupements de médecins spécialistes qui s'organisent pour mieux répondre aux besoins. Le financement prend la forme d’un crédit d’amorçage de 80 000 euros, à la création d’une ESS. Ensuite, une dotation annuelle (après validation du projet de santé) entre 50 000 et 100 000 euros sera versée pour les missions socles, en fonction de la taille de l’ESS.
Engagements collectifs non opposables
En contrepartie de ces investissements, les médecins se sont désormais engagés « collectivement » sur un certain nombre d’objectifs, quantifiés mais non opposables, assortis d’indicateurs. En matière d’accès aux soins, le texte acte par exemple l’objectif de stabiliser la part de malades chroniques sans médecin traitant à 2 %, d’augmenter la patientèle « active » des médecins libéraux de 2 % par an, d’augmenter de 5 % le nombre de jeunes généralistes qui s'installent ou de raccourcir le délai d'accès aux spécialistes. Un observatoire suivra l'évolution des indicateurs. Aucune sanction n'est prévue.
En ce qui concerne la pertinence des prescriptions et la qualité des soins, la convention définit « 15 programmes d'action » chiffrés. La profession s’engage notamment à ralentir de 2 % par an l'évolution de la dépense liée aux arrêts de travail, à diminuer la consommation d'antibiotiques (- 25 % d'ici à 2027) ou réduire le nombre d'examens de biologie jugés « inutiles » et de radiologie « redondants ». Les économies supplémentaires résultant de cette « performance » seront partagées « à parts égales » entre l’Assurance-maladie et les médecins. « Cette incitation collective pourra prendre la forme d’une revalorisation transversale de la lettre clé de l’ensemble des médecins libéraux, selon des modalités qui seront définies le cas échéant par un avenant », indique le texte. Là aussi un observatoire conventionnel de la pertinence et de la qualité des soins sera créé.
En cas de non atteinte des objectifs, là encore, aucune pénalité n’est prévue. Les partenaires s’engagent à mettre en place « des actions correctives supplétives et/ou substitutives » pour les programmes qui prendraient du retard. Ce qui fait dire à la CSMF que la convention « n’est pas plus contraignante » que le règlement arbitral.
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