François Bayrou a pris sa plus belle plume le 19 mai 2025 pour adresser un courrier aux députés de la commission des Affaire sociales de l’Assemblée, Jean-François Rousset (EPR, Aveyron) et Yannick Monnet (GDR, Allier). Ces derniers se voient confier une mission d’information sur les dépassements d’honoraires des professionnels de santé. Ce travail vise « à dresser un état des lieux précis et à formuler des recommandations pour repositionner cette pratique dans le cadre actuel de notre système de santé, dans un contexte où les enjeux d'accès aux soins et d'équilibre financier sont au cœur des priorités du gouvernement », peut-on lire dans la missive de deux pages.
Quantifier le montant global
Le locataire de Matignon définit trois axes : une approche « historique » du principe de la liberté tarifaire et son encadrement, pour évaluer si les raisons de sa mise en place « restent pertinentes dans le contexte actuel » ; une évaluation des dépassements d’honoraires pour identifier leur montant global, « en nombre et en coût », leur répartition selon différents critères tels que les spécialités, les territoires ou encore le type d'établissement ; et, enfin, « l’impact » de ces pratiques sur la répartition territoriale des professionnels de santé et l’accès aux soins des patients, ainsi que sur les choix de spécialité et de lieu d’exercice des étudiants en médecine. Bref, un audit à la fois global et précis qui devrait documenter le poids croissant du secteur 2 dans certaines spécialités et dans certaines zones géographiques.
Cette offensive n’est évidemment pas fortuite. En plein débat politique et parlementaire sur l’accès aux soins, le Premier ministre attend des « propositions concrètes afin d'enrichir les réflexions dans le cadre des discussions sur le financement de la Sécurité sociale et les mesures de lutte contre les déserts médicaux », écrit-il. En clair, améliorer l’accès géographique aux soins est une brique importante de la stratégie, faciliter l’accès financier en est une autre. La « déclinaison opérationnelle » des pistes est attendue d’ici à septembre 2025.
Dynamique inflationniste
Pour justifier cette mission, François Bayrou explique que les dépassements d’honoraires pratiqués par certains professionnels de santé suscitent « de nombreuses interrogations et préoccupations » chez les Français. Dans le cadre de la liberté tarifaire accordée à certains médecins en secteur 2, ces pratiques, « lorsqu’elles excèdent un seuil raisonnable, peuvent désormais entrer en conflit avec la liberté de choix du médecin lorsqu’elles constituent un obstacle à l’accès aux soins », écrit-il encore.
Le Palois regrette également la « dynamique inflationniste », alimentée par ces dépassements d’honoraires, notamment par l’augmentation des tarifs des complémentaires santé, ce que dénoncent fréquemment les associations d’usagers.
Tact et mesure, vraiment ?
Contacté par Le Quotidien, le chirurgien digestif de formation (« en secteur 1 », précise-t-il) et désormais député de l’Aveyron Jean-François Rousset (EPR) s’intéresse au sujet de longue date. Il y a un an, un texte de loi sur la prise en charge intégrale des soins liés au cancer du sein par l’Assurance-maladie avait été adopté (les décrets d’application sont attendus pour décembre 2025), mais il excluait les dépassements d’honoraires. Le gouvernement avait dit à l’époque qu’une mission pourrait avoir lieu sur le sujet ; c’est chose faite, se félicite l’élu spécialiste de la formation de 72 ans.
« Nous ne partons pas avec des idées préconçues sur le sujet, rapporte celui qui est également président de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins. Je constate que même les médecins demandent une réflexion sur le sujet, notamment les généralistes qui adressent des patients à des spécialistes dans certains territoires. Au départ, la règle était “le tact et la mesure” pour les dépassements. Il nous appartient, dans le cadre de cette mission, de mesurer le décalage – ou non – des pratiques d’aujourd’hui. »
Stratégie de maîtrise par l’Optam
La maîtrise des dépassements d’honoraires est un sujet récurrent dans les discussions conventionnelles entre l’Assurance-maladie et les médecins libéraux. Lors des dernières discussions, à l’hiver 2024, UFC-Que Choisir s’était invitée dans le débat en ressortant des chiffres sur les pratiques tarifaires des médecins issus des données de la Cnam. Selon l’association, plus de la moitié des médecins spécialistes (52,2 %) appliquaient des dépassements d’honoraires en 2021 contre 45,8 % en 2016. Par spécialité, 71,4 % des gynécologues affichaient des prix supérieurs aux tarifs opposables de la Sécu, suivis par les ophtalmos (66,7 %) et les anesthésistes (58,8 %).
En valeur, les gynécologues s’illustraient avec un tarif global de consultation à 50,60 euros en moyenne, dont 20,60 euros de dépassement à l’échelle nationale sur un tarif opposable de 30 euros en 2021, NDLR), déplorait l’association de consommateurs. Selon les spécialités analysées, le dépassement moyen en France entière oscillait entre cinq euros (cardiologues) et près de 14 euros (ophtalmos, psychiatres).
Lors des discussions conventionnelles, la Cnam avait elle-même dévoilé des chiffres montrant l’évolution historique de la part du secteur 2 depuis 20 ans.

« Notre stratégie pour réduire les restes à charge passe par le déploiement de l’Optam [option de pratique tarifaire maîtrisée, NDLR], confessait Thomas Fatôme au Quotidien en avril dernier. Dans la convention, un certain nombre de paramètres ont été améliorés, notamment pour ajuster les périodes de référence [dans le calcul des dépassements autorisés, NDLR]. Cela nous permettra d'accroître l'attractivité de ce dispositif de modération tarifaire pour y attirer davantage de spécialistes. »

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