Place aux signatures, ou pas… Après six mois de négociations – et une dernière séance marathon de 48 heures – les six syndicats représentatifs des médecins libéraux (CSMF, MG France, Avenir Spé-Le Bloc, SML, FMF et UFML-S) ont (ou vont) convié leurs troupes à se prononcer sur le texte final et ses annexes, transmis par la Cnam.
Le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, espère obtenir un compromis majoritaire sur la convention médicale « avant fin mai », pour une mise en application des revalorisations (dont le G à 30 euros et l’APC à 60 euros) dès décembre 2024.
Pas de précipitation
Une séance de signature avait même été initialement programmée mercredi 29 mai au matin. Mais la Cnam a fait savoir au Quotidien ce lundi qu’elle attendait a priori « les retours des syndicats »… Or, plusieurs d’entre eux prennent leur temps pour consulter leurs troupes car le sujet est jugé de la plus haute importance et de nombreux volets techniques et/ou financiers méritent d’être analysés.
Du côté de MG France notamment, dans chaque département et chaque région se tiennent actuellement des réunions et des opérations de vote. « Compte tenu de la complexité du texte et du fait qu’il n’a été disponible dans sa version définitive que le mercredi 22 mai, la fermeture des votes a été repoussée jusqu’au mardi 28 mai à 22h », fait savoir le syndicat de généralistes. La CSMF réunit ses cadres ce lundi 27 mai, le SML le 31 mai et Avenir Spé-Le Bloc, seulement le 3 juin…
Seuls l’UFML-S et la FMF ont déjà livré leur verdict – inverse au demeurant. Sans surprise, le conseil d’administration de l’UFML-S a annoncé sa décision « à l’unanimité » de ne pas signer la convention 2024. Joint ce lundi par Le Quotidien, le Dr Jérôme Marty, son président, explique qu’un sondage a été réalisé auprès de ses adhérents actant un rejet « à 90 % » sur 3 000 répondants (4 % en faveur de l’approbation, 6 % ne se prononçant pas). « Dans nos statuts, explique le généraliste de Fronton, c’est le conseil d’administration qui décide en tenant compte la base. »
Selon le Dr Marty, plusieurs raisons ont motivé ce désaccord. La hausse du G à 30 euros n’a été perçue que comme un « simple rattrapage de l’inflation ». « On n’a pas répondu au choc d’attractivité exigé, fustige le patron de l’UFML-S. Nous avions aussi demandé un engagement de progressivité continue du tarif pendant toute la convention pour éviter le choc de l’inflation [jusqu’à 50 euros, NDLR]. La Cnam l’a refusé ». Concernant les spécialistes, le syndicat dénonce « la stagnation de la consultation de base à 23 euros [hors majorations associées, NDLR] et la volonté évidente d’asphyxier le secteur 2 ». « C’est une convention sans vision et sans ambition », cingle-t-il.
La FMF divisée…mais pragmatique
Lancé ce week-end, le vote « anonyme » des 1 400 membres de la FMF a été plus serré que prévu : 58 % des votants ont répondu « oui » et 42 % « non ». « Avant ce vote, nous avions envoyé une synthèse factuelle du projet avec les avantages et les inconvénients. Il y a eu beaucoup de discussions en interne, le pragmatisme l’a emporté », commente la Dr Patricia Lefébure, présidente de la FMF.
L’affaire n’est donc pas encore pliée pour la Cnam, qui doit attendre les votes de l’ensemble des syndicats pour faire ses calculs. Rappelons que pour être conclue, la convention médicale unique doit recueillir la signature « dans chaque collège » d’un ou plusieurs syndicats ayant réuni « au moins 30 % des suffrages nationaux exprimés » lors des dernières élections. Et pour s'opposer à un accord ou une convention, une ou plusieurs organisations syndicales représentatives doivent réunir « la majorité des suffrages exprimés, dans le collège des généralistes et dans le collège des autres spécialistes ». Il n’est plus possible juridiquement d’avoir des conventions séparées.
En 2021, MG France avait obtenu 36,6 % des votes des généralistes, ce qui lui laisse les mains libres dans ce collège. Pour autant, le syndicat ne peut pas signer la convention tout seul car il n’est pas représentatif des spécialistes. Côté spés, c’est l’union syndicale Avenir Spé-Le Bloc (39,30 % aux élections) qui est la clé principale d’un accord… à moins que la CSMF (22,36 %) et le SML (12,02 %) s’allient pour trouver un compromis.
Les jeunes généralistes et remplaçants de Reagjir rejettent le projet conventionnel
Selon un sondage mené du 22 au 26 mai par le syndicat représentatif des jeunes médecins généralistes et remplaçants (ReAGJIR, qui siégeait comme observateur aux négociations), les jeunes généralistes rejettent à 57,5 % des voix la nouvelle convention médicale, n’y voyant pas le choc d’attractivité attendu.
Mais les troupes en interne sont partagées. D’un côté, les jeunes installés souhaitent que la convention soit signée « afin de pouvoir continuer à faire progresser le dialogue conventionnel ». De l’autre, les remplaçants se sont opposés à 65 % du fait de « l'exclusion persistante et inexplicable des remplaçants du champ conventionnel », et de « l’absence de mesures fortes » en faveur de l’installation.
Pour le Dr Raphaël Dachicourt, président de Reagjir, les jeunes généralistes ont récusé « une convention insuffisante, constituée de simples ajustements », loin de l’objectif initial fixé par la lettre de cadrage des négos, qui était « l'attractivité de la médecine libérale, afin que davantage de jeunes médecins s'installent et s'engagent dans le suivi d'une patientèle au long cours. »
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