« Le médecin remplacé, qui m’a hébergé, nourri et/ou prêté sa voiture déclarera-t-il à l’administration fiscale les avantages en nature qu’il m’a ainsi « offerts » ? Suis-je dans l’obligation d’ajouter ces avantages en nature à mes recettes brutes lors de ma propre déclaration de revenus ? Si oui, pour quels montants ? À partir de quels barèmes ? » Les questions sur la déclaration des avantages en nature lors des remplacements et des stages se posent pour nombre d’entre vous. Voici quelques clés pour y répondre.
Quels sont les enjeux ?
Exemples des avantages en nature (AN) les plus courants : toute fourniture d’hébergement, de repas, de voiture, de carburant, etc., permettant au remplaçant ou au stagiaire de faire l’économie de dépenses professionnelles ou privées qu’il aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa mission.
Certes, si vous êtes installé, rien ne vous oblige à déclarer les AN concédés à vos remplaçants ou vos stagiaires. Mais c’est de bonne gestion de récupérer une partie des coûts générés par leur déduction en frais professionnels. Par contre, si vous êtes remplaçant, les AN dont vous bénéficiez constituent un élément de votre rémunération, à déclarer en sus de vos rétrocessions d’honoraires, même s’ils vous sont fournis à votre… insu. Et c’est ici que les ennuis commencent généralement car les intérêts de l’installé et du remplaçant apparaissent a priori diamétralement opposés en la matière. D’autant plus que les montants en cause peuvent vite atteindre des sommets.
Pour quels montants ?
Voici le rappel des plafonds fiscaux 2023 des AN : - un repas : 20,20 € ; - une nuitée + un petit-déjeuner : 72,50 € à Paris et départements 92, 93 et 94 ; 53,80 € dans tous les autres départements métropolitains ; - logement : soit valeur locative réelle, soit maximum mensuel de 213,50 €/pièce (à proratiser si besoin). Ces plafonds publiés chaque année par le législateur ouvrent donc une possibilité d’AN de plus de 1 000 € pour quelques banals remplacements en un seul trimestre. Qu’en est-il alors pour des remplacements longs, ou très réguliers ? Tout cela ouvre la voie, au moment déclaratif, au printemps suivant, à tous les écarts possibles et imaginables, surtout si les AN sont déclarés sans concertation avec le ou les remplaçants bénéficiaires. Pire encore, nos observations de terrain montrent que de nombreux médecins remplaçants n’envisagent même pas la question des AN servis par les titulaires qu’ils ont remplacés ! D’où les déconvenues fiscales qui les attendent parfois, potentiellement jusqu’à plus de trois ans après les faits. Car jadis négligé, le contrôle des déclarations d’AN par le fisc, des deux côtés (installés comme remplaçants) est devenu efficace depuis quelques années du fait de leur dématérialisation totale. Précisons que la clé d’identification permettant les recoupements est le numéro SIRET du remplaçant, exigé depuis de nombreuses années par l’Ordre des médecins sur tous les contrats de remplacements, et souvent utilisé scrupuleusement par les cabinets comptables en charge des déclarations.
Deux particularités
● Depuis le 1er janvier 2015, tout cumul de rétrocession d’honoraires et d’AN inférieur ou égal à 1 200 € par an et par bénéficiaire n’a plus à être déclaré par l’installé à l’administration fiscale pour conserver son caractère de dépense professionnelle déductible. Il suffit de garder trace de sa facturation réelle ou de son estimation forfaitaire. ● Le stagiaire bénéficiant d’AN par son maître de stage libéral n’a pas à les déclarer en sus de son salaire car son maître de stage n’est pas son employeur.
L’attestation fiscale de remplacement
Pour éviter tout dérapage et par loyauté déclarative réciproque, il est nécessaire que remplaçant et installé s’accordent sur la question des avantages en nature en amont du remplacement. Et rédige en fin de remplacement une « attestation fiscale de remplacement » dont voici le modèle. « Je soussigné, Dr Installé, atteste m’être fait remplacer par le Dr Remplaçant durant l’année 2023 et lui avoir rétrocédé la somme de… €, — à l’exclusion de tout avantage en nature (rayer la mention inutile), ou — auxquels viennent s’ajouter… € d’avantages en nature (rayer la mention inutile). Fait à… Le… ». Attestation suivie des signatures de l’installé et du remplaçant.
À défaut, quelle parade anti-AN côté remplaçant ?
Or, le terrain montre inlassablement que l’attestation écrite n’est pas entrée dans les mœurs. Et pourtant, comme les intérêts fiscaux de l’installé et du remplaçant sont diamétralement opposés, le remplaçant n’a aucun intérêt à laisser l’installé surestimer la valeur réelle des AN. C’est pourquoi nous conseillons vivement au remplaçant, en cas de refus net d’attestation de son remplacé, ou de désaccord sur les montants (exagérés) retenus, d’estimer de son propre chef la valeur des AN dont il a bénéficié et de déclarer unilatéralement cette valeur. Ainsi, en cas de demande d’éclaircissement du fisc, le remplaçant apportera facilement la preuve qu’il a rempli son obligation déclarative (rétrocessions + AN), qu’il n’existe pas d’attestation signée par les parties (entre installé et remplaçant) sur ce sujet et enfin que le litige doit se situer sur les niveaux divergents d’estimation des AN, et non sur une prétendue fraude ou omission de sa part.
L’argument de l’estimation de la valeur réelle des AN par le remplaçant, sur des bases bien plus réalistes (et à son avantage) sera alors fiscalement tout à fait recevable, puisque le remplaçant l’aura préalablement déclarée. Car une nuitée dans le studio de garde du cabinet médical, ou dans la chambre de bonne de sa résidence, n’aura pas coûté au remplacé un forfait élevé basé sur « l’étape » du deux ou trois étoiles local. Ou si c’est le cas, l’administration fiscale exigera du remplacé qu’il en apporte la preuve. Dans ces conditions, le redressement risque fort d’être pour l’autre partie car la charge de la preuve (difficile à apporter) lui incombera.
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