Comment régler un litige financier entre un médecin installé et son remplaçant ?

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Publié le 02/09/2024
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Au moment de faire les comptes à la fin d’un remplacement, titulaire du cabinet et remplaçant ne s’accordent parfois plus sur la rétrocession d’honoraires due. Voici quatre leviers/conduites à tenir pour récupérer rapidement votre dû côté remplaçant. Et côté installé, pour comprendre ce qu'il ne faut surtout pas faire au risque d’encourir, au minimum, une sanction ordinale.

À l’issue d’un remplacement, un litige financier peut survenir sur la rétrocession d’honoraires

À l’issue d’un remplacement, un litige financier peut survenir sur la rétrocession d’honoraires
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Quel litige financier ?

Un litige financier se définit par la contestation de la somme due. Il exclut tous les litiges relevant de la pratique professionnelle. Les voies pour résoudre ces situations conflictuelles sont, en droit, radicalement différentes. Or en pratique de nombreux installés amalgament fréquemment les deux types de litiges lorsqu’ils prétextent des « erreurs » médicales ou/et d’autres manquements concernant leur remplaçant pour justifier leur décision unilatérale de réduire la rétrocession d’honoraires prévue au contrat. Cela reviendrait à lui appliquer une amende en se faisant justice soi-même, car, rappelons-le, la législation pose le principe d’une indépendance professionnelle totale du remplaçant d’une part et d’autre part l’obligation d’un contrat écrit entre titulaire et remplaçant mentionnant les conditions financières. Autre source de confusion : l’installé s’enferme parfois dans une situation de mauvais payeur, alors que la rétrocession n’est a priori pas contestée.

Conséquences de l’indépendance du remplaçant

Un patient qui s’estimerait victime d’une négligence, d’un comportement répréhensible ou d’une erreur professionnelle émanant d’un remplaçant ne peut avoir que lui comme cible en vue de déposer plainte. Ce sera alors devant la justice civile, et/ou la Caisse de sécurité sociale, et/ou encore l’Ordre départemental des médecins (CDOM) dont dépend le remplaçant. En parallèle, l’installé une fois informé ne pourra répondre à son patient que par la procédure décrite ci-dessus et surtout devrait se garder de « trop s’associer à la plainte ».

L’installé avise souvent son CDOM du litige financier, alors que ce dernier est juridiquement incompétent

Or, en pratique, face à leurs patients, la majorité des installés s’estiment quelque peu responsables de leurs remplaçants et font comme s’il existait légalement un lien de subordination.
● Il n’en est pourtant rien sauf dans une seule situation : celle d’une garde dans le cadre de la permanence des soins (PDS) organisée, durant laquelle remplaçant et remplacé demeurent coresponsables.
● Autre erreur à éviter : l’installé avise souvent son CDOM du litige financier, alors que ce dernier est juridiquement incompétent sauf bien sûr si le comportement du remplaçant a mis fondamentalement en cause l’objet même du contrat de remplacement, qui est d’assurer la permanence des soins en l’absence du titulaire : par exemple, en venant un jour sur trois au cabinet, et sans être joignable par téléphone tout en se contentant d’orienter les éventuelles urgences vers le 15.

Les étapes du recouvrement

Si la clause de rétrocession d’honoraires figurant au contrat est claire et son application sans discussion possible, il n’est pas recommandé de saisir le CDOM pour ce qui semble constituer un différend financier entre confrères, car cela ne peut en être un ! Et l’article 56 du code de déontologie ne s’applique pas car aucun litige n’existe en droit : il s’agit de la retenue abusive d’un dû au remplaçant, par le remplacé. La situation se résume à son versant économique, où l’installé est un mauvais payeur, et à la rupture unilatérale du contrat par l’installé défaillant. Exemple : - le contrat prévoyait explicitement un barème conduisant par le calcul à X € de rétrocession ; - l’installé n’a pas payé en temps et en heure cette somme à son remplaçant, en principe due dès l’issue du remplacement, qui devient ipso facto une dette de l’installé envers son remplaçant.

● Après une première mise en demeure amiable dans les formes classiques (par lettre recommandée + AR, voire exploit de commissaire de justice) restée sans effet, le remplaçant doit procéder alors à un recouvrement forcé par voie judiciaire. Notez que la décision de saisir le CDOM du lieu de remplacement, en vue d’une conciliation, n’aurait ici d’effet que si l’une des parties venait à céder. Sinon, le seul effet est dilatoire, permettant ainsi à l’installé de gagner du temps, mais à ses risques et périls. Car ce retard évitable ouvre grand la porte au remplaçant bien conseillé d’une demande en justice d’intérêts moratoires à son profit — puisqu’il aura dû attendre sa rémunération bien plus longtemps que normalement —, et éventuellement de dommages et intérêts s’il a dû engager des frais pour obtenir le recouvrement des sommes qui lui étaient bel et bien dues par contrat.

● La voie judiciaire à utiliser diffère selon le montant de la dette à recouvrer : - dette inférieure à 5 000 € : vous pouvez utiliser le service en ligne CREDICYS, plateforme spécifique des commissaires de justice dédiée au recouvrement des créances sans avoir à mettre en branle le système judiciaire ; - dette inférieure à 10 000 € : tribunal de proximité de votre secteur, voire niveau équivalent du tribunal judiciaire en grande ville, sans obligation d’avocat ; - dette supérieure à 10 000 € : tribunal judiciaire de votre secteur avec l’obligation d’un avocat.

La saisine de l’Ordre

Lorsque la nature financière du litige est établie sans discussion sérieuse possible, le remplaçant pourra appuyer sa saisine du tribunal de proximité par une demande d’injonction via le CDOM de l’installé. Il demandera expressément à son CDOM d’adresser à son confrère récalcitrant une « injonction » de lui régler la somme en question. Et in fine, si l’installé ne s’exécute pas, le remplaçant fera constater au CDOM que malgré l’injonction, ce dernier est toujours fuyant. Il appartiendra ensuite au CDOM de décider — indépendamment de la procédure parallèle devant le tribunal judiciaire — de poursuivre le confrère récalcitrant, et au besoin de chercher à le sanctionner disciplinairement. L’injonction étant en quelque sorte une mesure de sommation officielle via l’Ordre, toujours redoutée.

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Source : Le Quotidien du Médecin