Revirement de doctrine fiscale
Initiée en décembre 2022 une réforme radicale affecte les rémunérations de tous les associés de SEL dès le 1er janvier 2024, voire rétroactivement dès le 1er janvier 2023. Alors qu’elles étaient jusque-là toutes deux aisément assimilables à des « traitements et salaires », Bercy distingue désormais la rémunération du mandat social (= de la direction et de la gestion de la SEL) de la rémunération des fonctions techniques (= de l’exercice de l’activité médicale). Et impose la rémunération des fonctions techniques aux BNC. D’un côté, cette réforme provoque une complexification administrative et un alourdissement comptable, et surenchérit donc les coûts de gestion. Mais d’un autre côté, elle offre d’importantes opportunités d’optimisation, notamment par l’utilisation du régime micro-BNC désormais accessible sous conditions précises aux associés de SEL ! Et cela rétroactivement dès le 1er janvier 2023 pour les associés qui sauront les saisir à temps. Notre tableau ci-dessous résume les nouvelles règles fiscales.
Précision - Si les fonctions techniques du médecin exerçant sont réalisées par l’associé de SEL dans un cadre établi de lien de subordination à l’égard de la SEL caractérisant une activité salariée (sans bulletin de salaire), alors la rémunération relève de l’imposition fiscale des « traitements et salaires ». Avec le bénéfice personnel de la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels. Cette situation de fait est fréquente dans les SEL comportant de nombreux associés minoritaires ou ultra-minoritaires (biologistes et radiologues).
Contraintes et formalités des associés/BNC de SEL
Parmi toutes les questions que soulève la nouvelle doctrine fiscale, voici les réponses acquises à ce jour.
● Pas de TVA chez l’associé de SEL fournissant ses prestations techniques à sa société en échange d’une rémunération BNC libéral. Aucune facture n’est donc exigée, la SEL devant déposer une DAS2 (déclaration des honoraires).
● Pas d’assujettissement à la CFE de l’associé sauf s’il exerce une autre activité professionnelle distincte de ses fonctions techniques (ex. : expertises médicales).
● Pas d’option possible pour une assimilation à une EURL/IS de l’associé en BNC.
● Formalisme comptable et déclaratif : 1/ micro-BNC : sans modification, déclaration de revenus sur formulaire 2042-C-Pro comportant le volet social DRI ; 2/ BNC réel : toutes les règles habituelles de ce régime s’appliquent, la déclaration de revenus professionnels s’effectue sur une liasse fiscale 2035, avec un report sur la déclaration 2042-C-Pro + volet social DRI.
Jurisprudence du 19 octobre 2023 - L’intérêt de constituer une holding contrôlant une ou plusieurs sociétés-filles réside en la séparation légale et totale des bénéficiaires, à chaque étage, de leurs rémunérations versées à leurs associés. L’intérêt recherché par ce montage est de faire baisser les prélèvements obligatoires (PO) afférents. Or, concernant un chirurgien-dentiste, sa SEL et la SPFPL associée*, la décision de la Cour de cassation efface ce cloisonnement et provoque un séisme dans le paysage des professionnels libéraux exerçant en SEL : elle assujettit aux cotisations sociales du travail (Urssaf et Caisse de retraite) l’intégralité du résultat des SEL et de leur holding (SPFPL), entité pourtant purement financière = capitalistique soumise aux PO du capital, - et cerise sur l’indigeste gâteau - que ce résultat soit distribué ou non aux associés concernés (personnes physiques ou morales) ! Le séisme est tel qu’il remet en cause l’intérêt même de toutes les SPFPL et qu’il contient en germe une contamination possible aux gérants majoritaires de SARL détenant leurs titres via une holding ! L’affaire est d’une telle importance que le politique vient de monter au créneau, en affirmant que cette jurisprudence « met en grand danger l’intégralité des entrepreneurs indépendants ». Nous attendons que le législateur s’empare du sujet et amende cette jurisprudence incompréhensible de tous les conseils spécialisés.
Pas de pilotage automatique lors d’une tempête
Par temps calme et stable, l’absence de pilote dans l’avion peut vite devenir préjudiciable. Mais que dire alors des conséquences délétères lors des temps tumultueux comme en 2023 et assurément 2024 ? Mon conseil reste inchangé depuis des années : sans un très bon pilote pour en infléchir les trajectoires au gré des turbulences législatives et administratives, tous les montages du monde n’apporteront que des résultats hasardeux et exposent au risque ! La question n’est pas celle de l’indication initiale des montages, mais du pilote. Existe-t-il ? Si oui, n’aurait-il pas disparu en vol ? Vous rend-il régulièrement compte des économies générées par son action ? Travaille-t-il autant pour vos intérêts que pour les siens ? Bref, tout ce que l’on peut résumer à une question simple plus nécessaire encore demain et les années à venir : est-il « bon » ?
(*) Cass. Civ., 2e ch., 19 octobre 2023, n° 21-20366
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