Visé par une plainte du collectif des victimes de Mediator, le Pr Claude Griscelli a été radié du tableau de l’Ordre des médecins, selon une décision de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre de Paris, rendue le 29 décembre et qu’a consultée le Quotidien.
L’ancien patron de l’Inserm de 1996 à 2001 est en effet reconnu coupable d’avoir, dans l'affaire du Mediator, influencé la sénatrice Marie-Thérèse Hermange chargée d'un rapport d'information du Sénat en 2011, sans l'informer qu'il travaillait pour le laboratoire Servier mis en cause. Par cette « omission », a souligné le juge ordinal, ce professeur de pédiatrie, âgé aujourd'hui de 87 ans, a manqué à ses obligations « de moralité et de probité » fixées par le code de santé publique (articles R. 4 127-3 et R. 4 127-31).
Mis en examen et jugé en 2020 dans le volet « trafic d’influence » de ce procès hors norme, le médecin avait finalement été relaxé en mars 2021. Or cette décision de justice n’a pas fait « obstacle » à une sanction disciplinaire, « en vertu du principe de l’indépendance des poursuites disciplinaire et pénale » et au regard des obligations déontologiques des médecins prévues par le code de santé publique. Le Pr Griscelli était lié depuis 2001 au laboratoire Servier par contrats de consultant, peut-on lire dans la décision. Son travail était de conseiller l’industriel sur sa stratégie de recherche. Son contrat était renouvelé chaque année et prévoyait une rémunération annuelle de l’ordre de 90 000 euros.
Moralité et probité
L’information judiciaire a démontré que le pédiatre de 87 ans a eu « des échanges téléphoniques ou par SMS tout au long des travaux de la mission sénatoriale avec Mme Hermange », qu’il avait rencontrée « la veille » du rendu du rapport, jour où elle a introduit « des modifications, notamment sur l’évaluation du nombre de morts ». Or devant le juge, le Pr Griscelli n’avait pas contesté, écrit la chambre disciplinaire, « d’avoir laissé Mme Hermange dans l’ignorance de ses liens d’intérêt avec les laboratoires Servier ». « L'omission de cette information dans un tel contexte est constitutive d'une grave méconnaissance des principes de moralité et de probité qui s'imposent au médecin » et « déconsidère l'ensemble de la profession », estime le juge ordinal.
La sanction disciplinaire prononcée prendra effet à compter du 1er avril 2024. Le Pr Griscelli est aussi condamné à verser une somme d’un euro symbolique au collectif de victimes du Mediator.
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