« Le modèle produit des résultats ! », se félicite déjà le Dr Patrick Assyag, cardiologue libéral et pilote de l’équipe de soins spécialisés « cardiologie » en Île-de-France (ESSC-IDF), à la lumière de résultats préliminaires d’évaluation sur 4 000 premiers patients.
Lors d’un webinaire organisé mi-février en présence des représentants de l’Assurance-maladie et de l’ARS francilienne, auquel Le Quotidien a pu assister, le spécialiste a en effet dévoilé un premier bilan très encourageant de ce schéma d’organisation (créé par la loi de santé de 2019) qui vise à faciliter l’accès des généralistes à l’expertise de leurs confrères spécialistes de deuxième recours (si possible sous 24 heures en présentiel ou en visio) – en l’occurrence ici des cardiologues libéraux volontaires. En Île-de-France, les objectifs de l’« ESS cardio » sont clairs : faciliter les consultations non programmées, réduire au maximum les délais de rendez-vous dans cette spécialité mais aussi le recours aux urgences et les hospitalisations évitables.
La méthodologie de l’évaluation, élaborée en partenariat avec l’ARS, a porté sur la période de 2022 et 2023, incluant 4 000 premiers patients de quatre départements (75, 94, 77 et 93). Trois grands paramètres ont été analysés : typologie des médecins engagés (cardiologues volontaires et généralistes utilisateurs) et des patients ; fonctionnement du dispositif ; et résultats en matière de service rendu (taux de consultation aux urgences, taux d’hospitalisations évitables et taux de satisfaction des patients).
200 cardiologues volontaires, souvent nouvellement installés
Côté effectifs, cet audit révèle d’abord le dynamisme de l’équipe de soins spécialisés en cardio qui avait démarré en janvier 2022 avec 60 cardiologues. Aujourd’hui, 195 cardiologues libéraux (trois fois plus) se sont portés volontaires pour participer à cette équipe de soins. « Surtout, ce sont des cardiologues nouvellement installés, le plus souvent en groupe, précise le Dr Assyag. Et 30 % d’entre eux sont aussi adhérents des communautés professionnelles territoriales de santé ». Autrement dit, le renouvellement de l’ESS est « assuré » car « les jeunes y participent », analyse le cardiologue parisien.
Qui sollicite l’équipe ? L’enquête confirme que ce sont bien les médecins généralistes « de plus en plus jeunes » et « installés dans 15 % des cas dans les maisons de santé et les centres de santé ». Leurs requêtes concernent le plus souvent des patients âgés de plus de 70 ans polypathologiques. Les motifs les plus fréquents sont l’hypertension artérielle (40 %), les douleurs thoraciques (30 %), l’arythmie (20 %) et la dyspnée (10 %). Sur le plan clinique, les associations les plus fréquemment rencontrées concernent HTA/cardiopathie ischémique/fibrillation atriale (40 %), HTA/cardiopathie ischémique/cancer (16 %) et HTA/diabète/obésité/maladie rénale chronique (10 %).
Le renouvellement de l’ESS est assuré car les jeunes y participent »,
Dr Patrick Assyag, promoteur de l’ESS cardio
Le fonctionnement de ce pool libéral est jugé relativement simple. À l'occasion d'une consultation, lorsqu'un généraliste n'arrive pas à joindre le cardiologue traitant du patient (alors qu'il a besoin d'un avis sous 24 heures), il peut contacter le médecin coordinateur de l'ESS cardio, disponible de 9 heures à 19 heures les jours ouvrés, soit par le numéro de téléphone dédié, soit grâce à l'application Medaviz.
En fonction de l'état de santé du patient, ce médecin régule l’appel avec trois possibilités : une consultation physique avec le cardiologue de l'équipe le plus proche du domicile du patient ; une téléconsultation assistée en instantané entre le médecin généraliste, le spécialiste et le patient ; ou encore une télé-expertise réalisée entre le généraliste et le cardiologue expert de l’équipe via la plateforme sécurisée Omnidoc. Le patient est pris en secteur 1 avec compte rendu adressé au médecin traitant, précise l’enquête d’évaluation.
63 % d’avis obtenus entre trois et cinq heures
Les résultats sont intéressants du côté des délais constatés pour l’avis cardiologique. L’évaluation démontre que, dans près des deux tiers des recours (63 %), l’accès à une consultation cardiologique physique ou une télé-expertise est obtenu dans un délai rapide entre trois et cinq heures (27 % entre 5h et 8h et 10 % entre 8h et 24h). « Les délais de rendez-vous sont respectés. Le travail des cardiologues est excellent et le résultat est très satisfaisant », souligne le Dr Assyag. « À côté des consultations en présentiel encore majoritaires, nous constatons une forte hausse des télé-expertises, une évolution qui va faciliter l’accès aux soins », ajoute le cardiologue parisien. De fait, dans le cadre de la télé-expertise, les cardiologues répondent le plus souvent dans l’heure suivant la sollicitation. Sur l’ensemble de la période (janvier 2022 à mai 2024), exactement 4 657 consultations non programmées ont été recensées (dont 3 934 en présentiel et 723 télé-expertises ECG).
L’ESS cardio francilienne met en avant le service rendu sur le plan de l’organisation du système de santé. La quasi-totalité des consultations cardiologiques sollicitées (99 %) se font sans hospitalisation et, dans un cas sur deux, sans modification thérapeutique. Mais dans un quart des cas, des modifications thérapeutiques sont opérées et, dans un autre quart, des examens complémentaires sont demandés.
Et maintenant les néphrologues !
Sur ces bases, l’évaluation souligne que la consultation des urgences hospitalières d’une part et les hospitalisations d’autre part (pour les motifs indiqués) ont été justement évitées dans la quasi-totalité des cas (respectivement 98 % et 99 % sur ces deux indicateurs). De surcroît, « 100 % des patients pris en charge sont satisfaits, insiste le Dr Assyag. Nos premiers objectifs sont atteints en termes de délais respectés de rendez-vous et de baisse des consultations aux urgences. Nous attendons désormais la contractualisation avec l’Assurance-maladie pour pérenniser financièrement notre dispositif ».
De fait, le financement reste le nerf de la guerre. L’ESS cardio est jusqu’à présent soutenue par l’ARS francilienne. Mais la nouvelle convention a vocation à prendre le relais avec deux lignes budgétaires : un « crédit d’amorçage » de 80 000 euros pour aider les porteurs de projets des ESS et une « dotation annuelle » comprise entre 50 000 et 100 000 euros, selon la taille de l’équipe (de 10 à 100 médecins ou plus). Un financement jugé encore « insuffisant » par le Dr Assyag, qui évalue le budget de « 180 000 à 200 000 euros par an et par équipe » pour financer « un régulateur, une coordinatrice, les outils numériques et les réunions ».
D’autant que l’ESS voit déjà plus grand puisque les néphrologues libéraux ont rejoint le projet en 2024. Leur intégration dans l’équipe doit permettre au généraliste d’obtenir une télé-expertise en néphrologie dans les 24 heures.
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