Fraude aux arrêts de travail : l’Assurance-maladie sécurise (aussi) la prescription sur papier

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Publié le 01/08/2024

L’Assurance-maladie commence ce mois d’août à envoyer à son réseau de caisses primaires de nouveaux formulaires d’arrêts de travail « hautement sécurisés », mis à disposition des médecins qui en feront la demande. Leur usage sera obligatoire à partir de juin 2025.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Dans sa lutte contre la fraude aux arrêts de travail, l’Assurance-maladie déploie à partir du mois d’août un nouvel outil de son arsenal : le formulaire Cerfa infalsifiable. Plusieurs paquets d’ordonnances nouvelle génération et « hautement sécurisés » vont petit à petit être expédiés en direction des caisses primaires, qui les mettront à disposition des médecins qui en font la demande, précise la caisse dans son rapport « charges et produits ».

La fraude aux IJ est grandement liée aux tiers des arrêts qui sont toujours prescrits à l’ancienne, à la main, explique la Cnam. L’Assurance-maladie veut donc faire place nette pour éviter les dérives et les abus. À compter de juin 2025, l’usage de ces formulaires sécurisés deviendra « obligatoire ».

Haro sur les formulaires remplis puis imprimés depuis le logiciel

À cette date, la transmission d’un arrêt de travail devra être faite « à titre principal » par voie dématérialisée, insiste la caisse, « via amelipro ou les logiciels agréés et compatibles, offrant des conditions de sécurité et de simplicité maximales aux prescripteurs et à l’Assurance-maladie, ainsi que des délais de prise en charge plus courts pour les assurés ». Le formulaire papier sécurisé restera la seconde option.

Les éditeurs ont donc moins d’un an (période de transition) pour mettre « en cohérence leurs solutions avec le guide d’intégration qui sera publié par la Cnam », lit-on dans le rapport. « Il s’agira notamment de mettre fin aux formulaires d’arrêt de travail pouvant être remplis puis imprimés depuis le logiciel de prescription ». Une méthode qui, selon la caisse, ne présente pas des garanties de sécurité suffisamment élevées (mais que beaucoup de logiciels ont intégrée dans leur solution métier et que les médecins utilisent). À l’issue de cette période transitoire, les formulaires non sécurisés « seront rejetés par les organismes d’assurance-maladie », prévient la caisse.

Les médecins salariés par une société de téléconsultation agréée verront eux aussi leur pratique encadrée. Tous « seront enregistrés en tant que tels par l’Assurance-maladie pour recourir obligatoirement à la transmission des arrêts de travail via amelipro ».

Marché sur le dark web

Conformément aux engagements pris avec les partenaires conventionnels, la Cnam veut ralentir l’évolution du nombre de jours d’arrêts de travail indemnisés de 2 % par an (soit 205 millions d’euros d’économies l’an prochain). La lutte contre la fraude aux arrêts s’inscrit dans cette optique.

« Nous avons vu exploser cette année les faux arrêts de travail, a assuré Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Cnam le 23 juillet, lors d’un café Nile. Il existe des sites spécialisés où vous pouvez récupérer des arrêts de travail sur le dark web, parce que des médecins se sont fait voler leur numéro RPPS. On y trouve vraiment des choses assez sophistiquées qui reproduisent assez bien les arrêts de travail. » La numéro 2 de la caisse a insisté : « Tout ce qui ressemble à un PDF, à un arrêt de travail qui n’en est pas un, ne sera plus pris en compte par l’Assurance-maladie à compter de mi-2025 ».

En matière d’arrêts de travail, 7,9 millions d’euros de préjudices financiers de fraudes ont été détectés et stoppés en 2023 du fait de la présentation de faux arrêts de travail et/ou fausses attestations de salaire, contre 5 millions d’euros en 2022, lit-on dans le rapport « charges et produits ». La Cnam explique cette augmentation par l’accroissement des ventes de faux documents sur les réseaux sociaux, notamment avec des kits « clés en main ». D’où une équipe de cyber-enquêteurs chargés de démanteler ces trafics. Cette offensive complète des actions déjà déployées comme la mise en place de contrôles a priori ou la mise en place de sanctions plus sévères contre les fraudeurs (pénalité jusqu’à 300 % du préjudice financier).

Un problème de délai

A priori, cette offensive anti-fraude aux IJ ne devrait pas déstabiliser les médecins dans leur pratique. Côté ordonnances dématérialisées, ils vont toutefois devoir s’habituer au nouvel environnement réclamé par l’Assurance-maladie aux éditeurs de leur logiciel métier. Et côté ordonnances papier, ils devront se procurer les nouveaux formulaires sécurisés auprès de leur caisse primaire. « Encore faut-il que les caisses nous en fournissent, il faut pleurer pour avoir des Cerfa papier ! », raille le Dr Richard Talbot, trésorier de la FMF, en écho à de nombreux confrères qui ont subi de tels aléas.

Le généraliste normand est également sceptique sur la capacité de la Cnam à tenir les délais annoncés. Et de rappeler deux choses : la carte Vitale a mis 15 ans à se généraliser ; et les éditeurs de logiciels attendent toujours le référentiel relatif à la fusion des différents formulaires permettant de prescrire les arrêts de travail (maladie, maladie professionnelle, accident du travail, prolongation, etc.), une réforme enclenchée… en 2022.


Source : lequotidiendumedecin.fr