En médecine de ville depuis une vingtaine d’années, la blouse n’est plus vécue par les patients comme un reflet des compétences du médecin. Elle est ainsi de plus en plus abandonnée au profit d’une tenue de ville qui abolit certaines distances dans la relation médecin-patient. Plusieurs jeunes médecins se sont intéressés à l’impact de la tenue vestimentaire sur cette relation. Tous ont pris en compte quatre groupes de vêtements : décontractés, semi-formels (smart casual), formels (costume cravate ou équivalent) ou blouse. Une chose est sûre : une blouse sale, négligée ou de taille non adaptée à son porteur, perd tout de sa symbolique et est perçue négativement - voire de façon délétère - par les patients. En 2017, un premier travail mené par le Dr Adrien Colin (1) montrait que les tenues « blouse » et « smart casual » semblaient optimiser la confiance dans le cas du médecin homme. Pour la médecin femme, la tenue blouse semble associée au meilleur niveau de confiance. L’âge ou le sexe du répondant ne semblent pas avoir d’impact majeur sur le niveau de confiance (analyses secondaires). La préférence des patients à l’allure « smart casual » dans les deux sexes a été confirmée par le travail de la Dr Marianne Demests en 2024 (2).
Pas d’influence sur l’empathie, mais un lien avec l’observance
Le Dr Axel Descamps a analysé l’impact de la tenue du médecin généraliste sur l’empathie perçue par les patients atteints de pathologie chronique (3). Un thème rarement abordé. À cette fin, il a réalisé une étude quantitative auprès de 50 médecins généralistes (MG) de la région Nord-Pas-de-Calais tirés au sort. Chacun de ces praticiens devait recruter 20 patients et leur donner plusieurs questionnaires. 707 réponses ont été analysées de façon croisée avec l’analyse des vêtements portés habituellement par le médecin. Les généralistes étaient âgés de 56 ans en moyenne (installés depuis vingt ans). Il s’agissait de femmes dans 22 % des cas ; les urbains (79 %) et les MSU (50 %) étaient surreprésentés ; 34 % des praticiens exerçaient seuls. 6 % des médecins pratiquaient en blouse, 6 % en tenue formelle, 54 % en vêtements semi-formels et 34 % en habits décontractés. Les patients étaient âgés de 62 ans en moyenne, 58 % étaient retraités. Ils prenaient chaque jour en moyenne quatre traitements pour deux pathologies chroniques. Si pour 54 % des patients le choix de la tenue était important, elle n’influait pas de façon marquée sur l’empathie ressentie.
Le Dr Walid Mekeddem (4) a, quant à lui, choisi de se pencher sur le lien entre tenue vestimentaire et observance thérapeutique dans cette même population de patients souffrant de maladies chroniques. Résultat : les patients dont les médecins généralistes portent une tenue semi-formelle ont une meilleure observance thérapeutique que celle des patients de généralistes en tenue décontractée (Odds-Ratio (OR) 2,81, IC95 % [1,52 ; 5,19], p = 0,01). La blouse, quant à elle, arrive en deuxième position avec un OR de 1,94 (IC95 % [0,72 ; 5,18], p = 0,01). Le jeune médecin reconnaît bien sûr que la tenue vestimentaire ne fait pas tout, mais que la présentation aux patients devrait être abordée pendant les études.
En dehors des périodes épidémiques, les patients préfèrent les tenues civiles propres, simples et correctes à l’image de leur médecin
Oui à la blouse en période épidémique
La pandémie Covid a-t-elle changé la perception des patients sur la tenue vestimentaire des médecins ? C’est à cette question qu’ont tenté de répondre les Dr Shady Nassar et Pierre Bouriquat (5). Le changement de style vestimentaire des médecins pendant l’épidémie Covid a clairement été remarqué par les patients. Il apparaît deux nouvelles symboliques accordées à la blouse : son message de lutte contre la maladie et celui du principe de précaution. La relation médecin-patient semble avoir été modifiée mais il est difficile, pour les auteurs, de préciser si cette adaptation était liée au port de la blouse ou à l’environnement anxiogène consécutif à la pandémie. Si les patients imaginent que lors d’une éventuelle prochaine épidémie le port de blouse sera devenu la norme, ils préfèrent, en dehors de ces périodes, les tenues civiles propres, simples et correctes à l’image de leur médecin.
(1) Colin A. Impact de la tenue vestimentaire du médecin généraliste sur la confiance du patient. Thèse 2017
(2) Demats M. Vécu de la relation médecin-patient par des médecins généralistes traitants porteurs de modifications corporelles apparentes : Étude qualitative par analyse interprétative phénoménologique. Thèse 2024
(3) Descamps A, Rouhier MA, Lelorain S et al. Impact de la tenue vestimentaire du médecin généraliste sur l’empathie perçue par le patient. Congrès CNGE 2021.
(4) Mekkedem W. Relation entre la tenue vestimentaire des médecins généralistes et l’observance thérapeutique de leurs patients : étude quantitative observationnelle transversale menée en région Nord-Pas-de-Calais. Thèse 2020
(5) Nassar S, Bouriquat P. Perception de la blouse blanche en cabinet de médecine générale depuis l’épidémie à Covid 19. Étude qualitative réalisée auprès de patients dans le Cantal et l’Hérault. Thèse 2023
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