Agacés par la frénésie de réformes lancées par leur ministre de la Santé, Jens Spahn, les médecins allemands lui demandent de s’attacher à la priorité que constitue la baisse de la démographie médicale.
Ouvert mardi 28 mai à Münster, le traditionnel congrès annuel des médecins allemands réunit les ordres et les syndicats et constitue un bon baromètre de la profession. À la fois président du congrès et de l’Ordre fédéral des médecins, le Dr Frank Ulrich Montgomery s’inquiète à cet égard des « coups de griffe » du gouvernement contre les principes fondamentaux d’auto-organisation de la médecine libérale.
Des plages horaires plus étendues
De fait, une nouvelle loi oblige les praticiens libéraux à proposer plus rapidement des rendez-vous à tous les patients dès lors que ceux-ci s’adressent à une « cellule de coordination » spécialement créée à cet effet. La loi imposera aux spécialistes de proposer cinq heures par semaine des consultations sans rendez-vous, ou dans un délai très court pour ces patients ce qui, selon eux, désorganisera leur emploi du temps sans raisons médicales objectives.
De leur côté, les généralistes devront consulter, avec ou sans rendez-vous, au moins 25 heures par semaine pour rester conventionnés ce qui constitue, là aussi selon les médecins, une « ingérence » dans leur organisation.
La loi prévoit par ailleurs des incitations pour les médecins souhaitant exercer dans des « déserts médicaux », en plus de la création obligatoire de cabinets généralistes dans les zones les moins densément couvertes.
Si Jens Spahn voit dans toutes ces mesures – qui entreront en vigueur le 1er janvier – une amélioration sensible de l’accès aux soins, les médecins jugent l’extension des plages horaires « populiste » et « inutile », car ils se sont déjà organisés pour accueillir les urgences. Selon eux, les patients qui profiteront de ces horaires sans rendez vous ne seront pas « ceux qui en ont vraiment besoin » mais ceux qui souhaitent consulter tout de suite « pour des raisons de confort ».
Risque d'effondrement
Autre point de crispation entre le ministre et les médecins : la « dé-professionnalisation » de l’activité médicale. Pour faire face à la pénurie médicale, le gouvernement souhaite, comme en France, déléguer certains actes à d’autres professions, en particulier aux pharmaciens pour les vaccinations, un projet contre lequel les médecins sont vent debout. Le ministre souhaite aussi élargir les compétences des sages-femmes et des psychologues/psychothérapeutes, ce qui inquiète là aussi le corps médical.
Il est vrai que celui-ci a de plus en plus de mal à faire face à la demande croissante de patients, malgré le renfort de plus de 55 000 médecins étrangers travaillent en Allemagne (sur un total de 392 000 médecins). Présentées lors de l’assemblée générale des médecins conventionnés, la veille du congrès, les prévisions ont montré l’ampleur des besoins à l’horizon 2035 : pour éviter un effondrement de l’offre médicale face à la demande, il faudrait dès maintenant former 3 000 à 6 000 nouveaux étudiants supplémentaires par an...
Enfin, le congrès a déploré le durcissement des sanctions contre les médecins totalement réfractaires aux systèmes de télétransmission définis pour les cabinets par les pouvoirs publics : ils doivent actuellement reverser 1 % de leurs honoraires, taux qui passera à 2,5 % dans quelques semaines. Mais nombre de médecins estiment que les outils actuels présentent trop de risques en matière de sécurité et de confidentialité, et refusent pour cette raison de s’équiper.
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