Protocoles de soins, délégation de tâches, partage de la rémunération… plus de sept mois après le lancement du Conseil national de la refondation (CNR) santé, les initiatives locales alimentent la « boîte à outils », dans laquelle peuvent puiser les territoires confrontés à la pénurie médicale. « L'heure est de partager les bonnes pratiques pour ne pas réinventer la roue », a exposé David Djaïz, rapporteur général du CNR santé, en présentant quelques initiatives emblématiques à la presse.
Depuis le lancement du CNR santé en octobre 2022, à Marcoussis, l'État s'est employé à jouer un rôle de facilitateur pour en finir avec l'« hypercentralisation et l'uniformité excessive » des politiques publiques. Après avoir réuni quelque 250 ateliers autour de quatre thématiques – organisation du premier recours, permanence des soins, prévention et attractivité des métiers – une bonne centaine de projets ont pu émerger des réunions locales.
Pour prolonger et décliner cette méthode de gouvernance « moins verticale », Ségur a déployé des « collectifs territoriaux », autant d'« espaces de travail qui rassemblent l'Assurance-maladie, la médecine de ville réunie en CPTS, l'hôpital, les élus et les services de l'État », explique le rapporteur général du CNR.
Soins non programmés, quand l'union fait la force
L'exercice coordonné à travers les CPTS fait partie des projets les plus récurrents. Celle du territoire rural de Luxeuil (Haute-Saône) regroupe 150 professionnels de santé libéraux. Présidée par le Dr Martial Olivier-Koehret, ancien patron du syndicat de généralistes MG France, cette association créée en 2019 avant le Covid s'appuie sur un protocole national de coopération – autour des soins non programmés – autorisé pour prendre en charge la cystite, la varicelle, l'angine ou encore les allergies saisonnières. Dans le cadre des angines et des infections urinaires, les pharmaciens formés peuvent par exemple réaliser un test et prescrire directement des antibiotiques. En matière de rémunération partagée, la CPTS a décidé de répartir les 25 euros entre le médecin déléguant (5 euros) et le professionnel délégué – pharmacien ou infirmier (20 euros). Et sur ce territoire déficitaire en chirurgiens-dentistes, la CPTS planche par ailleurs depuis novembre sur un autre protocole basé sur la collaboration entre généralistes, infirmiers, pharmaciens et chirurgiens-dentistes.
« Les protocoles représentent 100 actes par trimestre [délégués à des non-médecins], soit 100 consultations médicales en moins ou 30 par mois pour les généralistes », évalue Sophie Salomé, pharmacienne vice-présidente de la CPTS de Luxeuil. L'association travaille sur d'autres projets de coopération comme un service d’urgence podologique, un bilan optique chez les opticiens ou une coopération avec les dentistes.
Cartographie de l'offre de soins
En Occitanie cette fois, la CPTS du pays de Lunel (Hérault, avec 14 communes soit 50 000 habitants) couvre un territoire attractif mais « fragile » – plus de 30 % des praticiens libéraux ayant plus de 60 ans. Sur ce bassin de vie où 23 % de la population est en dessous du seuil de pauvreté, les équipes de la CPTS mènent déjà une politique d’« aller vers » pour soigner la population la plus vulnérable. Avec les caisses primaires, des actions ciblées sont conduites sur le dépistage, la prévention et les personnes en ALD sans médecin traitant.
Le collectif a aussi eu l'idée de créer une plateforme numérique pour rendre plus lisible l'offre de soins disponible grâce à une cartographie territoriale (y compris en matière de remplacements, d'installations ou de coordonnées). Le Dr Cédric Alinat, généraliste coprésident de la CPTS, cite l'exemple de la santé mentale où « les médecins ont besoin d'avoir l'avis d'un psychiatre en 10 jours ». « Grâce à cette cartographie, les généralistes peuvent trouver un carnet, les protocoles et les numéros à contacter », explique le généraliste.
« De quoi avez-vous besoin pour embarquer tout le monde ? », a lancé David Djaïz, rapporteur général du CNR. « La confiance ! a résumé le Dr Olivier-Kœhret. Si les professionnels y trouvent leur compte alors ils viendront ».
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