Alors que le principe du volontariat des gardes des médecins libéraux est aujourd'hui attaqué par les parlementaires, le conseil national de l'Ordre des médecins publie ce mardi son bilan annuel de la permanence des soins ambulatoire (PDS-A) en médecine générale qui se veut plutôt rassurant sur l'accès aux soins.
Les « zones blanches » sans PDS-A, c'est-à-dire où l'effection n'est assurée que par les urgences hospitalières ne représentent que 5 % de l'ensemble du territoire (week-end, jours fériés et soirées) un « chiffre stable », souligne le Cnom.
De surcroit, l'organisation de la PDS (formalisée dans le cahier des charges régional) est réellement appliquée dans 88 % des départements en 2022 (contre 85 % en 2021 et 71 % en 2020). « Cette tendance illustre un retour à une organisation de la PDS-A plus stable après la crise sanitaire », peut-on lire.
Il demeure que cette sujétion repose sur un nombre relativement réduit de médecins volontaires. Selon les chiffres arrêtés au 31 décembre dernier, ce sont exactement 38,48 % des généralistes qui ont participé à la PDS-A en 2022 – dont 88 % sont des médecins libéraux en cabinet – un taux de participation stable après la baisse de 0,8 % constatée l'année précédente. Ce sont ainsi 24 504 volontaires pour 63 681 médecins éligibles aux gardes. Mais leur charge est parfois lourde : la moyenne nationale est de 29 gardes annuelles d’effection par médecin.
Engagement et réquisitions
Globalement, l'engagement des généralistes libéraux reste toujours très hétérogène avec un minimum dans la capitale où seulement 7 % des praticiens prennent des gardes et un maximum de 81 % de volontaires dans les Vosges et les Ardennes. « Ce taux, à lui seul, ne nous permet pas d'évaluer de manière qualitative le fonctionnement de la PDS-A dans un territoire, et doit donc être interprété avec prudence, rappelle le Cnom qui sait que ce chiffre est souvent cité dans les débats parlementaires. En effet, le fonctionnement de la PDS-A peut être satisfaisant, notamment dans des départements abritant de grands centres urbains comme Paris, où les tableaux de garde ne peinent pas à être complétés malgré un taux de participation très faible ». Des grandes villes qui bénéficient aussi largement de la présence de SOS médecins.
À l’inverse, un taux important de volontaires n'est pas suffisant pour garantir un fonctionnement optimal du système. Et le Cnom de citer justement les Vosges, l'Eure-et-Loire ou le Lot où les réquisitions sont fréquentes alors que pourtant plus des trois quarts des médecins participent à la PDS-A.
Par ailleurs, un tiers des secteurs de PDS-A sont couverts par dix médecins voire moins, ce qui impose aux praticiens concernés un nombre élevé de gardes. Ainsi, en Seine-et-Marne, les médecins ont effectué 137 gardes en moyenne en 2022, compte tenu cependant de la participation de SOS médecins. À l’inverse dans l'Orne, la charge est plus supportable avec une moyenne de 6 gardes par praticien dans l'année.
Régulation : érosion des actifs mais renfort des retraités
Quant à la participation des médecins libéraux à la régulation, elle est en très légère baisse mais cette implication concerne la quasi-totalité du territoire à l'exception de six départements (Ardennes, Territoire de Belfort, Guyane, Mayotte, Nouvelle-Calédonie et Polynésie Française). Ce sont ainsi 2 547 généralistes libéraux installés en activité régulière qui y ont pris part (-2,8 % sur un an), auxquels s'ajoutent toutefois 808 médecins retraités, salariés ou remplaçants.
Au total (tous statuts), le nombre de généralistes régulateurs (3355) est en progression de 2,7 %. Cette régulation est rémunérée par des forfaits d'astreinte dont les montants sont déterminés par les ARS mais ne peuvent être inférieurs à 70 euros de l'heure. En 2022, plus de la moitié des départements ont bénéficié de la revalorisation du forfait, passé de fait à un minimum de 75 euros (moins cependant que la recommandation de la mission Braun d'un tarif équivalent à 4G soit 100 euros).
À noter qu'en 2022, le 116/117 – numéro dédié à la PDS-A des libéraux – était utilisé par 13 départements (stable sur un an).
50 % de conseil médical
Si l'Ordre ne dispose pas de données exhaustives sur les contenus de ces actes de régulation, il a néanmoins voulu procéder par coups de sonde auprès d'associations interdépartementales de régulation. Par exemple, les appels auprès de l'association comtoise de régulation libérale qui couvre toute la Franche-Comté ont lieu pour moitié le week-end (23 % le samedi et 28 % le dimanche). Dans 50 % des cas, ils se sont soldés par un conseil médical, dans 25 % par une consultation dans un cabinet de garde ou une structure dédiée, dans 9 % par l'envoi d'un transport sanitaire et dans 2 % seulement par une visite à domicile.
S'agissant de l'effection, la tendance de fond de réduction du nombre de territoires de PDS-A se poursuit. Ceux-ci sont passés de 1 491 secteurs en 2019 à 1 292 en 2022 en soirée et de 1499 à 1 428 le week-end et les jours fériés, tandis que, pour les nuits profondes (où seulement 24 % du territoire est couvert) ils ont reculé de 378 à 320.
La rémunération de l'effection a sensiblement augmenté en 2022 puisque l'astreinte de 12 heures ne peut plus être payée moins de 180 euros. De fait, la rémunération a été revalorisée dans 74 départements. À la suite des recommandations de la mission Braun de juin 2022, la PDS-A a été étendue au samedi matin dans 21 % des départements.
Moyenne d'âge en baisse
Les généralistes participant à la PDS-A sont majoritairement des hommes : 63 % pour la régulation et 53 % pour l'effection. Mais les femmes sont de plus en plus nombreuses, en miroir de la féminisation de la profession : +9% de participation à l'effection entre 2018 et 2022 et +7% à la régulation.
Dans le même temps, la moyenne d'âge des généralistes effecteurs diminue passant de 46,1 ans en 2021 à 45,8 ans en 2022. Dans un rapport rendu public lundi, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur la permanence des soins en établissement (PDS-ES) proposait que les praticiens de plus de 60 ans – hospitaliers comme libéraux – puissent en être dispensés.
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